lundi 8 février 2010

Trentième anniversaire des évènements du 16 juin 1976 à Soweto

PAN-AFRICAN PARLIAMENT




PARLEMENT PANAFRICAIN
البرلمان الأفريقي

PARLAMENTO PAN-AFRICANO











TRENTIEME ANNIVERSAIRE
DES EVENEMENTS
DU 16 JUIN 1976
A SOWETO




Statement delivered by Dr Samuel EFOUA MBOZO’O
Deputy Clerk of PAP in charge of Legislative Business





Soweto 24th June 2006













Excellences, Mesdames, Messieurs,

Il y a trente ans, ici à Soweto, c’était un 16 juin, le soleil se leva différemment ce jour-là. Les enfants des Noirs en avaient assez de la vie misérable de leurs parents. Ils semblaient avoir la conscience aiguë que ces conditions étaient injustes. Deux siècles d’oppression ! C’était trop. Durant ces années 70, la lutte contre l’Apartheid piétine. La plupart des dirigeants de l’ANC sont soit en prison soit en exil ; d’autres assassinés. Il manque au mouvement de l’ANC la sève de la révolte. Elle viendra du côté des enfants de Soweto, ce township devenu célèbre par la force de son histoire et considéré comme un patrimoine irréfragable de la mémoire de la lutte des peuples d’Afrique du Sud.

« Le jour où le soleil se lèvera, écrira plus tard Nelson Mandela, ce sera le jour, où les enfants s’éveilleront à la vie, avec la pleine conscience qu’ils seront les hommes et les femmes de demain... »

Et les enfants de Soweto sortirent ce jour-là, avec dans leur sac en bandoulière, toute la révolte contre ce qu’on avait fait subir à leurs parents et la volonté de ne pas le vivre à leur tour. Les enfants de Soweto sortirent ce jour-là, dise-je, pour dire non à un système qui avait pour unique mission de leur enlever leur âme. En imposant l’afrikaans comme langue unique dans un pays où l’arc-en-ciel des langues était annonciateur des couleurs de l’émancipation, forte de cette richesse.

Ce sera donc cette aliénation, via la langue, que combattront les enfants. Quelle belle leçon de conscience que la langue est un instrument de vie, un véhicule culturel, un outil d’identification et un instrument pour l’émancipation.

Trente ans déjà et l’Afrique a célébré, le 16 juin dernier, la 16ème journée de l’enfant africain. La date du 16 juin instituée par l’OUA, en 1990, après la ratification par 33 pays sur 53, de la Charte Africaine des droits de l’enfant, adoptée en 1989, est un double symbole :

- Rappeler que les enfants ont droit à la parole, à l’expression ;
- Mais aussi que l’enfant africain ne peut être impunément privé de ses référents culturels.

Le thème central de cette 16ème journée de l’enfant africain étant : « Right to Protection : stop violence against children », je voudrais, pour ma part, me fondant sur ce qui, somme toute, aura été le déclic des évènements du 16 juin 1976, à savoir la langue, m’apésantir quelque peu sur cette autre forme de violence contre les enfants que constitue l’acculturation, c'est-à-dire cette façon d’élever les enfants africains en dehors de leurs schèmes culturels.

En effet, Excellences, Mesdames et Messieurs, n’oublions pas que le motif de lutte des enfants en ce jour du 16 juin 1976 était d’abord culturel. C’est en raison de leur conscience culturelle en raison du refus d’une culture qu’on leur imposait, à travers l’usage d’une langue qui n’était pas la leur, que les enfants sont descendus dans la rue ce jour du 16 juin.

Le devoir de l’histoire nous impose donc de nous interroger sur le sort qu’on réserve à nos enfants aujourd’hui et sur la conscience des responsabilités que doivent assumer les adultes pour les préparer à tout.

Le souvenir de la date du 16 juin pose, pour tout dire, le problème de l’école et de sa fonction sociale et nous impose de nous interroger sur les modes de reproduction que distillent les programmes scolaires qui leur sont destinés. Le débat sur les langues d’enseignement ne devrait donc pas être éludé.

Des analystes ont tenté d’expliquer pourquoi les Africains, dont les pays n’ont pas fait la révolution culturelle en imposant l’apprentissage des langues africaines dès le plus jeune âge, finissent par n’être que des élites inachevées, en tension permanente entre deux mondes, cherchant à alimenter leur africanité par un retour aux sources où les traditions sont fantasmées et teintées d’une fantaisie nostalgique.

Ces mêmes analystes se sont interrogés sur le poids de l’aliénation culturelle et ses incidences dans la construction d’une mentalité. Ils ont conclu qu’il s’est inscrit de manière inconsciente dans le cerveau de nombreux africains un mépris d’eux-mêmes et de leur culture qu’ils tentent de sauvegarder en ramassant, pêle-mêle, des morceaux d’identité oubliés dans des fétiches bon marché.

Ces mêmes analystes se sont interrogés sur le complexe des africains à refuser de comprendre que leurs langues ont de nombreuses ressemblances et que les digressions sur l’immensité incommensurable du nombre considérable de langues africaines, empêchant que celles-ci soient le véhicule unificateur d’une identité partagée, ne sont que diversion et manipulation idéologiques. Le 16 juin, si la question des droits de l’enfant est posée, l’obligation d’une réflexion sur l’adulte qu’il sera demain est forcément lancée.

Revenir en arrière, en rappelant que ce fut le 16 juin, est un devoir de mémoire qui impose de relever toute la symbolique culturelle de la révolte des enfants de Soweto. Une telle lecture suppose d’avoir le courage de regarder les évolutions que connaissent les pays africains. Il y a une théorie que l’on pourrait oser : le retard des Africains est lié à l’aliénation culturelle et la difficulté qu’ils ont à rompre avec celle-ci. Le fait de former dès le plus bas âge un être humain en dehors de ses références culturelles participe d’un assujettissement qui est le prolongement de l’esclavage. C’est une autre manière de perpétrer la domination.

Comment comprendre qu’au 21ème siècle, les enfants de chez nous continuent à être élevés comme s’ils n’avaient pas de langues ? Cette question est capitale. Elle pose le problème de la formation du sujet africain et des langues d’usage capables de lui permettre de véhiculer une pensée autonome, afin de verser dans le débat sur l’universalité de l’humanité et du monde sa part d’Afrique. Cette question, elle était au centre de la révolte des enfants de Soweto. C’était le 16 juin 1976 : des écoliers sont tombés pour avoir osé se soulever contre l’obligation pour eux d’apprendre le monde à travers le prisme d’une langue coloniale qui leur empêchait de penser à leur émancipation.

Soweto : 30 ans plus tard : la nation arc-en ciel commémore ses enfants. Elle fait le bilan d’un long apprentissage, celui de la conquête de soi, à travers ses valeurs culturelles ; travail difficile, mais qui fait de l’Afrique du Sud aujourd’hui une des plus grande nations africaines.

En instituant le 16 juin, en 1990, comme la journée de l’enfant africain, l’OUA envoyait un double message : les enfants sont les adultes de demain, il faut savoir les protéger en les formant pour qu’ils soient aptes à transformer leur réalité.

Je vous remercie de votre aimable attention.

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