mardi 9 février 2010

Rapport de mission d'information au Tchad:25 mai-04 juin 2006

PAN-AFRICAN PARLIAMENT






PARLEMENT PANAFRICAIN
البرلمان الأفريقي

PARLAMENTO PAN-AFRICANO






RAPPORT DE LA MISSION D’INFORMATION DU PARLEMENT PANAFRICAIN AU TCHAD 25 MAI -04 JUIN 2006




CHEF DE MISSION : HON. KANTE EL HADJ DIAO, (GUINEE)



RAPPORTEUR : HON. JULIANA KANTENGWA, (RWANDA)




Gallagher Estate, Private Bag X16, Midrand 1685, Gauteng Province, South Africa
Tel : (+27) 11 545 5000 Fax : (+27) 11 545 5136 - Web site : www.panafricanparliament.org





I- CREATION ET OBJECTIF DE LA MISSION D’INFORMATION

Suite à une correspondance de l’Hon. Loum Ndoadoumngue Neloumsei, 3ème Vice-président du PAP, adressée à l’Hon. Amb Dr. Gertrude I. Mongella, Présidente du PAP, en date du 28 mars 2006 sur la situation politique au Tchad, et suite aux évènements malheureux intervenus dans ce pays le 13 avril 2006, le Bureau du PAP, réuni en sa 12ème session du 24 au 26 avril 2006, à Midrand, en Afrique du Sud, conscient de la nécessité de trouver rapidement une solution urgente et adéquate à ce problème, a décidé à l’unanimité d’envoyer une mission d’information du PAP au Tchad du 13 au 20 mai 2006.

L’objectif de la mission était de collecter le maximum d’informations auprès de toutes les forces politiques nationales, parties prenantes au conflit, auprès des organisations de la société civile, des organisations internationales africaines et autres, afin d’éclairer le PAP sur la situation politique qui prévaut dans le pays et lui permettre ainsi de faire des recommandations fortes, en collaboration avec les autres organes de l’UA, pour un prompt rétablissement de la paix et de la sécurité dans ce pays frère.

Sur instructions de madame la Présidente du PAP, le Secrétaire Général a adressé une correspondance au Président de l’Assemblée Nationale du Tchad le 04 mai 2006 pour lui faire part de la décision du Bureau d’envoyer une mission d’information au Tchad. Initialement prévue du 13 au 20 mai 2006, la mission a finalement eu lieu du 26 mai au 4 juin 2006, en raison du déroulement des travaux de la 5ème session ordinaire du PAP qui n’a pris fin que le 12 mai 2006.

Compte tenu de la disponibilité des honorables parlementaires, le Bureau a désigné les membres ci-après pour faire partie de la délégation :

- Hon. El Hadj Kanté Diao, (Guinée), Chef de mission,
- Hon. Juliana Kantengwa, (Rwanda)
- Hon. Halifa Sallah, (Gambie)
- Dr. Samuel Efoua Mbozo’o, Secrétaire Général Adjoint en charge des Affaires législatives.


En raison des difficultés liées aux programmes de vol des avions, toute la délégation n’a pu se retrouver à N’djamena (Tchad) que le samedi 27 mai au soir.







II- METHODOLOGIE

Le dimanche 28 mai, la délégation a tenu une première réunion pour arrêter un plan de travail en conformité avec le programme des auditions préparé par la partie tchadienne. Des propositions d’amendements y ont été apportées dans le sens d’un plus grand nombre de rencontres avec les organisations de la société civile, les organisations interafricaines et internationales représentées au Tchad, les réfugiés, les prisonniers, etc…

Par ailleurs, la délégation a exprimé le voeu de rencontrer le Premier Ministre, tout au début de la mission et le Président de la République à la fin. Ces amendements et ce voeu seront acceptés par la partie tchadienne.

III- LISTE DES PERSONNALITES ET DES INSTITUTIONS CONSULTEES.

1. Le Président de la République du Tchad,
2. Le Président de l’Assemblée Nationale du Tchad et les membres du Bureau,
3. Le Premier Ministre, Chef de Gouvernement,
4. Le Ministre de la Communication et de la Culture, porte-parole du gouvernement,
5. Le Ministre des Droits de l’Homme, en charge des relations avec l’Assemblée Nationale,
6. Le Ministre de l’Administration territoriale,
7. Madame la Ministre déléguée aux Affaires Etrangères,
8. Le Président de la Cour Suprême,
9. Le Président du Conseil constitutionnel,
10. Le Secrétaire Général du Mouvement Patriotique du Salut (MPS), parti au pouvoir, entouré de quelques membres du Bureau politique,
11. Deux représentants de la Coordination des Partis Politiques pour la défense de la Constitution (CPDC),
12. Hon. Felix Malloum, ancien Chef d’Etat, Président du Comité des Sages,
13. Hon. Kassire Coumakoye, Député Panafricain, candidat aux dernières élections présidentielles,
14. Les représentants des organisations de la société civile :

- Ordres professionnels :
● Medias
● Amnesty International
● Syndicats (UST, CET, CLTT)
● Associations féminines (CELIAF, AFJT, UFEP, FASCIT)
● Associations des Droits de l’Homme (LTDH, ATPDH, APLF, CASCIDHO)

IV. PRESENTATION GENERALE DU TCHAD

Situé en Afrique centrale, le Tchad est le 5ème plus grand pays de l’Afrique continentale avec une superficie de 1.284.000 km². De par sa position géographique, le Tchad est considéré comme le cœur du plus vieux continent au monde, l’Afrique, notamment avec la découverte en 1995 d’Abel et récemment en 2000 de Toumai qui daterait de 7.000.000 d’années.

Le Tchad est limité au Nord par la Libye, au Sud par la République Centrafricaine, à l’Est par le Soudan et à l’Ouest par le Niger, le Nigeria et le Cameroun. Peuplé de 7.700.000 habitants (source AFRISTAT et Banque mondiale 2002), il s’étend sur 1.700 km du Nord au Sud et 1000 km de l’Est à l’Ouest. Ancienne colonie française, le Tchad est devenu indépendant le 11 août 1960. L’arabe et le français sont les langues officielles.

4.1. Historique

Pays de peuplement très ancien, le Tchad fut pendant des siècles une zone de contact entre les Arabes d’Afrique du Nord et les populations de l’Afrique noire. Il a connu une histoire agitée, profondément marquée par les luttes ethniques et religieuses, qui se poursuivent aujourd’hui.

Le premier royaume connu dans la région est le Kanem qui prit son essor à la fin du XIème siècle sous la dynastie des Sefawad. Les relations commerciales avec le nord du continent et la conversion des Mai (souverains) vers l’an 1100 répandirent l’islam dans toute la sous-région. Le Kanem possédait une armée forte et entraînée, un réseau de fonctionnaires chargés de maintenir l’ordre et de prélever les impôts jusque dans les régions lointaines et une économie prospère. Mais des querelles de pouvoir et des dimensions religieuses affaiblirent l’empire. Au XIV ème siècle, les attaques répétées des arabes obligèrent les sefawid à fuir le Kanem. Au XVème siècle, la dynastie des Sefawid constitua un nouvel empire, à l’ouest du lac, dans le Bornou. Les troupes de mai Idriss (1497 – 1519) envahirent l’ancien Kanem et l’intégrèrent à l’empire. Celui-ci s’étendait de Kano jusqu’au Darfour. D’autres royaumes se constituèrent dans la région, notamment le Ouaddaï, au XIVème siècle, et le Baguirmi, au XVIème, longtemps vassaux du Kanem-Bornou. Ce dernier vivait du commerce, notamment de la traite des esclaves avec l’Arabie. Les guerres de conquête servaient de prétexte aux Bornouans pour capturer les « infidèles », les hommes et surtout les femmes et les enfants, très demandés sur tous les marchés du Moyen Orient.

Au début du XIVème siècle, le Jihad Peul lancé par Ousman dan Fodio, qui fonda le Khalifat de Sokoto, se heurta violemment au Kanem-Bornou. Grâce à l’adresse du Premier Ministre Mohammed Amen al-Kanemi, l’empire ne s’écroula pas sous ces coups de butoir. Il réforma la monarchie qu’il légua à son fils Oumar. Ce dernier fit construire une nouvelle capitale, Kouka (actuel Niger). Le Ouaddaî profita de ces désordres pour reprendre son autonomie et s’imposer à son voisin, le Baguirmi et développa ses relations avec Tripoli et l’Egypte. Vers 1860, ces royaumes, épuisés par les guerres et les dissensions intestines, étaient en décadence. En 1879, venu du Soudan, un marchand d’esclaves devenu conquérant, Rabah, lança une vaste opération de conquête du Ouaddaï. Il établit son empire commercial sur l’Est du Tchad tout en constituant une armée forte de 35.000 soldats. Il soumit le Baguirmi, puis le Bornou (1893) et fonda un vaste empire. Mais l’arrivée des Européens entrava ses projets.

En effet, au milieu du XIVème siècle, les Européens s’intéressèrent au Soudan central. Des explorateurs comme Heinrich Barth, Clapperton et Nachtigal le parcoururent. Monteil, parti du Sénégal, fit le premier français à atteindre le lac Tchad, en 1891. La France lança plusieurs expéditions pour prendre le contrôle du Tchad afin de relier ses possessions d’Afrique septentionale, centrale et occidentale. En 1891, la mission de Paul Crampel se solda par un désastre. Rabah en était sûrement pour quelque chose. Aussi les Français envoyèrent-ils trois missions chargées d’éliminer l’importun, sous le prétexte de lutter contre la traite esclavagiste : la mission Fourreau-Lamy, partie d’Algerie, la mission Voulet-Chanoine, venue de l’Ouest du Niger actuel et poursuivie par Joalland et la mission Gentil, depuis le Congo. Les trois missions se retrouvèrent sur le lac Tchad et attaquèrent Rabah en 1899. Elles le vainquirent à Kousseri en 1900 avec la mort de Rabah. Mais la résistance des peuples du Tchad se poursuivit avec les Senoussis et le Tchad ne fut entièrement « pacifié » que vers 1917. Entre temps, le décret de 1900 avait créé un « territoire militaire des pays et protectorats du Tchad », intégré à la colonie de l’ »Oubangui-chari. En 1920, le Tchad devint une colonie autonome, dotée d’une administration civile.

En 1923, la frontière soudano-Tchadienne fut déterminée avec précision. En 1929, le Tchad intègre le Tibesti. En 1936, un accord entre la France et l’Italie fasciste prévit la cession de la bande d’Aouzou (au nord du pays) à la Libye Italienne. Il ne fut pas appliqué. Pendant la 2ème guerre mondiale, le Tchad, sous l’impulsion de son gouverneur, Félix Eboué, fut la première colonie française à se rallier au général De Gaulle et à la France libre, en août 1940. Le Tchad servit de base aux opérations de la colonne Leclerc dans la campagne de Libye (1941-1943). Après la guerre, les Tchadiens participèrent pour la première fois à des élections en désignant leurs représentants aux Assemblées constituantes françaises (1945-1946) puis à l’Assemblée Nationale Française (1946).

La lutte pour l’indépendance connut son aspect politique, sous l’égide de Gabriel Lisette, fondateur du Parti Progressiste Tchadien (PPT), section du Rassemblement Démocratique Africain (RDA) en 1946, puis sous celle de François Tombalbaye. Mais les désaccords entre les deux hommes, les antagonismes religieux et régionaux, accentués par la colonisation, déchirèrent le pays. Les Tchadiens approuvèrent à 98% le projet de communauté française lors du référendum de 1958. Après soixante années de domination française, le pays accéda à l’indépendance le 11 août 1960.

4.2. Le Tchad indépendant

Après avoir contraint Gabriel Lisette à l’exil, François Tombalbaye, devenu Chef de l’Etat, mit en place un régime autoritaire puis, après l’instauration du PPT en parti unique (1962), une puissante dictature qui suscita, à partir de 1963, des révoltes paysannes dans le Nord, l’est et le Nord-Est. En 1963, Tombalbaye réprima durement la révolte des musulmans du nord. L’insurrection armée éclata en 1966, un large mouvement de rébellion se développa. A partir de 1968, malgré l’aide militaire française et les divisions des rebelles tchadiennes (notamment entre les partisans de Goukouni Oueddeï et ceux de Hissène Habré), Tombalbaye ne put en venir à bout.

En 1972, il demanda l’appui du Colonel Kadhafi et lui promit la bande d’Aouzou en échange. La Libye occupa le territoire promis, riche en uranium et en manganèse. Un coup d’état militaire renversa Tombalbaye en 1975, malgré sa tentative de restaurer l’unité du Tchad en prônant la « Tchaditude ». Il fut assassiné. Le Général Félix Malloum lui succéda mais renforça la dictature. Les rebelles lancèrent une nouvelle offensive en 1977 ; en 1978, l’ancien Chef rebelle Hissene Habré devint Premier ministre. Mais les nouveaux dirigeants ne s’entendaient pas entre-eux et la guerre civile s’intensifia en 1979. Le conflit s’internationalisa avec l’intervention militaire de la France et les médiations de paix de la Libye et du Nigeria. La constitution d’un gouvernement d’union nationale (1979) présidé par Goukouni Oueddeï et de Hissène Habré.

En 1982, les forces d’Hissène Habré investirent N’djamena. Hissène devint Président. Il reçut l’appui de la France pour reconquérir le Nord, mais il dut affronter seul de nouvelles interventions libyennes. En 1990, l’opposition armée dirigée par Idriss Déby Itno lança une vaste attaque contre le régime et prit le pouvoir. Une conférence de réconciliation nationale (1993) décida la démocratisation et le multipartisme. En 1994, la Cour Internationale de Justice déclara tchadienne la bande d’Aouzou. En 1996, Idriss Déby Itno, après avoir promulgué une charte nationale garantissant la liberté d’expression, le multipartisme et une nouvelle constitution, organisa enfin l’élection présidentielle et la remporta. Cinq ans plus tard, il remporta, pour une seconde fois, l’élection présidentielle du 20 mai 2001.


4.3. Récents développements de la situation politique

Depuis l’élection présidentielle de mai 2001 et les élections législatives d’avril 2002, la situation politique générale du Tchad a connu une dégradation croissante se traduisant notamment par une crispation des positions et un déficit de dialogue entre les forces politiques nationales.

En effet, la constitution du 31 mars 1996 limitait à l’origine à deux le nombre de mandats présidentiels (article 61). Mais un référendum en date du 6 juin 2005 vint modifier cette disposition en permettant au Président Idriss de se présenter pour une troisième fois. Ceci déclencha une levée de boucliers du côté des certaines forces politiques de l’opposition, notamment celles regroupées au sein de la Coordination des Partis Politiques pour la Défense de la Constitution (CPDC), qui prôna le boycott des élections présidentielles prévues le 3 mai 2006. Peu avant cette date, le 13 avril 2006, deux bourgades aux alentours de N’djamena (Gassi et Gaoui) sont attaquées à l’arme lourde. Pour les autorités de N’djamena, ce sont des mercenaires à la solde de Khartoum ; pour l’opposition, ce sont des rebelles tchadiennes issus des factions récemment défectueuses de la Garde Présidentielle d’Idriss. Les élections présidentielles se déroulèrent néanmoins à la date prévue, le 3 mai 2006 et le 28 mai, la délégation du PAP a pu assister à la proclamation officielle des résultats définitifs desdits élections par le Conseil Constitutionnel:

Résultat général

Inscrits 5.697.922
Votants 3.024.226
Bulletins nuls 143.237
Suffrages exprimés 2.880.989
Taux de participations 53,08%

Score des candidats

Nº NOMS ET PRENOMS SCORE TAUX RANG
1. Ibrahim Ahmed Koulamallah 152.945 5,31% 5e
2. Pahimi Padacke Albert 225.368 7,82% 3e
3. Delwa Kassire Coumakoye Nouradine 435.997 15,13% 2e
4. Idriss Deby Itno 1.863.042 64,67% 1er
5. Mahamat Abdoulaye 203.637 7,07% 4e
Total 2.880.989 100,00%

Source : Arrêt du Conseil Constitutionnel du 28 mai 2006 portant résultats définitifs de l’élection présidentielle du 03 2006.

4.4. Les Institutions de l’Etat

Le Tchad se définit en tant que République de type semi-présidentiel. Le pays est divisé en 18 régions administratives, dont la ville N’djamena régie par un statut spécial. La constitution prévoit la création de collectivités territoriales décentralisées : régions (17), départements (50), communes (199) et les communautés rurales. Le pouvoir exécutif est exercé par le Président de la République et par le gouvernement. Le Président de la République est le Chef d’Etat. Il est élu au suffrage universel pour un mandat de cinq ans, renouvelable (article 61). Il dispose du pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale après consultation du Premier ministre et du Président de l’Assemblée nationale (art.83), de nommer le Premier Ministre et de mettre fin à ses fonctions. Il préside le Conseil de ministres et, en tant que Chef suprême des armées, il préside également le Conseil supérieur et le Comité de défense.

Le Gouvernement est composé du Premier ministre et des ministres. Le Premier ministre est le chef du gouvernement, nommé par décret présidentiel (art.95). I l dirige et coordonne l’action gouvernementale, exerce le pouvoir réglementaire et assure l’exécution des lois. Il est en outre responsable de l’exécution de la politique de défense nationale. Enfin, le Premier ministre doit présenter le programme de son gouvernement à l’Assemblée nationale ; il est responsable devant elle (art. 97).

L’exercice du pouvoir législatif, conformément à l’article 106 de la Constitution est confié à l’Assemblée nationale. Celle-ci est composée de députés élus pour un mandat de 4 ans au suffrage universel.

L’Assemblée a le pouvoir de contrôler l’action du gouvernement et a l’initiative des lois concurremment avec le gouvernement. Elle peut renverser ce dernier par une motion de censure ou par un vote de défiance lorsque le Premier ministre engage la responsabilité du gouvernement sur une question de politique générale.

L’actuelle Assemblée nationale compte 155 députés dont 118 de la mouvance présidentielle (mouvement patriotique du salut et ses alliés) et 37 de l’opposition (toutes tendances confondues).

Le Tchad compte plus de soixante-dix partis politiques depuis que le multipartisme a été autorisé par ordonnance en 1992 et confirmé par la Constitution de 1996. Certaines des formations politiques sont issues de mouvements de guérillas qui se transforment en partis à la suite d’accord de paix ou de transformation des rapports de forces militaires. Les principaux sont : le Mouvement patriotique du salut (MPS) du Président Idriss Déby ITNO; l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR) de Saleh Kebzabo ; l’Union pour le Renouveau et la Démocratie (URD), du Général Kamougué ; l’Union Nationale (UN) d’Abdoulaye Lamana ; le Rassemblement pour la Démocratie et le Progrès (RDP) de Lol Mahamat Choua ; VIVA RNDP de Kassiré Delwa Coumakoye, ancien Premier ministre de transition ; l’Union pour la Démocratie et la République (UDR) de Jean Alingué ; le Front d’Action pour le Renouveau (FAR) de Ngarlejy Yorongar.

Sur le plan judiciaire, la Constitution institue un seul ordre de juridiction (article 142). Ce dernier est constitué notamment de la Cour suprême, de la Cour d’Appel, des Tribunaux de première instance et de leurs sections, et des justices de paix. L’indépendance de la magistrature est garantie par la Constitution (art. 141).

Le contrôle de la constitutionalité des lois est confié au conseil Constitutionnel qui veille aussi à la régularité des opérations de référendum et des élections présidentielles et en proclame les résultats.

4.5. Economie

La majorité de la population tchadienne vit de l’agriculture et de l’élevage du bétail. Le Tchad exporte surtout du coton, du bétail et de la gomme arabique. Il a commencé à exporter du pétrole en 2004 (exploitation des champs de la région du Logone oriental). Prévue à l’origine pour s’élever à 225.000 barils par jour (bpd), la production de pétrole s’est en fait établie en moyenne en 2005 autour de 180.000 bpd. Les prévisions pour l’Etat, durant les 25 prochaines armées, sont estimées à 2 milliards de dollars. Un accord a été conclu engageant le gouvernement tchadien, le consortium exploitant les gisements (Exxon Mobile, chevron et petronas) et la Banque mondiale, pour affecter 90% des recettes à des dépenses prioritaires et pour constituer avec les 10% restant un fond destiné aux « générations futures» (loi nº 001/PR/99).

En octobre 2005, le ministre tchadien du pétrole fait part de la volonté du gouvernement de modifier cette loi en excipant de la nécessité de supprimer ce fond pour les générations futures afin de résorber la tension de trésorerie et les crises sociales consécutives aux arriérés de salaires. En décembre 2005, le Parlement adopte de façon unilatérale le texte modifié. Heureusement, le bras de fer entre les deux parties ne sera pas de longue durée, car un nouvel accord intérimaire Tchad – Banque mondiale prévoit la révision de la loi portant gestion des revenus pétroliers et une révision du budget en cours qui devrait permettre de revoir la clé de répartition des revenus pétroliers en spécifiant clairement que 70% des revenus seront consacrés à des programmes prioritaires de lutte contre la pauvreté. Les dépenses de sécurité devront donc être trouvées ailleurs sur les autres ressources de l’Etat.

La Banque déboursera tous les mois, après l’adoption de la nouvelle loi budgétaire, 100 millions de dollars, soit 50 milliards de FCFA et versera, en plus de cela, 124 millions de dollars de prêts (environs 62 milliards de FCFA) destinés à financer des projets de développement.

V. INFORMATIONS RECEUILLIES LORS DES AUDITIONS

Suite aux différentes auditions accordées à toutes les parties prenantes au conflit tchadien, il est apparu à la mission que les origines, les conséquences et les solutions de ce dernier sont différemment interprétées selon qu’on est de la mouvance présidentielle ou de l’opposition radicale.

5.1. Sur les origines, l’évolution et les conséquences du conflit

5.1.1. Point de vue de la Mouvance Présidentielle

a) Causes externes du conflit

Cette dernière pense que les origines du conflit tchadien ont des bases exogènes, notamment dans le conflit intersoudanais, celui du Darfour.

En effet, il suffit de rappeler que le Darfour est une région spéciale du Soudan, située à l’Ouest et couvrant une superficie d’environ 256000 km

Cette région a une population estimée à 5 000 000 habitants et est divisée en 3 Etats : le Nord Darfour, l’Ouest et le Sud. Il compte 80 tribus dont certaines se retrouvent d’un côté comme de l’autre du Tchad avec lequel le Soudan partage près de 1 300 km de frontière. C’est le cas des Zakhawa dont 1/3 vit au Soudan et les 2/3 restant au Tchad. Le Président du Tchad est de la tribu des Zakhawa.

Historiquement, l’origine du conflit inter soudanais dans le Darfour proviendrait de la marginalisation et du délaissement que l’administration coloniale britannique d’abord et le gouvernement soudanais ensuite ont toujours réservés à cette région.

L’opposition armée prétend que la population du Darfour a été amenée à prendre les armes à cause de la collaboration entre le gouvernement et les nomades qui ont d’abord envahi les terres agricoles des paysans pour le pâturage de leur bétail.

Ce qui, au départ, apparaissait comme un conflit entre les nomades et les paysans, a pris, par la suite, un caractère politique dans la mesure où les forces de défense de la population établie par l’Etat au Darfour semblaient soutenir les tribus arabes, par Djandjawids interposés.

Pour le gouvernement soudanais, par contre, 80% des hommes au Darfour portent des armes, issues des conflits entre la Libye et le Tchad et entre l’Ethiopie et l’Erythrée dans les années 70 et 80 respectivement. Ces armes servent aujourd’hui aux conflits tribaux intersoudanais et sont utilisés pour soutenir les tribus sœurs des pays voisins comme le Tchad.

Pour les autorités de N’djamena rencontrées, tant que le problème soudanais ne serait pas résolu, le Tchad ne connaîtrait pas de paix. Pour ces autorités en effet, le gouvernement soudanais voudrait installer à N’djamena des Tchadiens à sa solde.

Pourtant, le Tchad, depuis le déclenchement du conflit inter soudanais, a été l’un des tous premiers pays à voler au secours des populations victimes de ce drame, en accueillant sur son territoire plus de 300.000 réfugiés.

Les parties belligérantes au Soudan ont sollicité et obtenu les bons offices du Président Idriss Deby Itno qui s’est impliqué dans une médiation pour un règlement rapide de ce conflit intersoudanais. Ce qui a abouti aux rencontres d’Abéché et à la signature du cessez-le feu humanitaire le 8 avril 2004 à N’djamena, suivi le 25 mai 2004 d’un accord portant création d’une commission paritaire pour préparer un cadre global de concertation. Ceci a jeté les bases de l’Accord d’Abuja en mai dernier.

Malheureusement, en dépit de tous ces efforts, Khartoum ne cesse de s’employer à exporter la crise du Darfour au Tchad, en soutenant les rebelles tchadiens qui y trouvent refuge !

Comment comprendre que, malgré la signature de l’Accord de Tripoli du 08 février 2006 entre le Soudan et le Tchad, accord qui interdit de favoriser la présence et le séjour des éléments rebelles de l’une ou l’autre des parties dans leur territoire respectif, comment comprendre, s’interrogent les autorités tchadiennes, que le même gouvernement soudanais aménage quelques jours seulement après, le 13 février 2006, un voyage à Khartoum et Tripoli à de rebelles tchadiens, ou accueille le 17 février 2006 un groupe de neuf déserteurs de l’Armée nationale tchadienne?

Comment comprendre que, conformément à l’article 6 dudit accord interdisant aux deux parties de mener des campagnes médiatiques hostiles mais leur demandant d’œuvrer dans le sens de la fraternité et de la concorde, comment comprendre que le Soudan continue à projeter dans ses chaînes de télévision des reportages sur les différents camps des rebelles tchadiens ouverts au Soudan ou à accorder des interviews largement diffusées aux rebelles tchadiens ?

Pour les autorités de N’djamena, toutes ces attitudes soudanaises ne contribuent point à restaurer un climat de confiance en violation flagrante de l’article 1 de l’Accord de Tripoli qui stipule que « les deux parties s’engagent à œuvrer à la restauration du climat de confiance, de bon voisinage et de coopération…. » .

Au contraire, le gouvernement soudanais, de l’avis des autorités tchadiennes, continue à entretenir les rebelles tchadiens sur son territoire en leur ouvrant des camps d’entraînement et des casernes.

La conséquence de tout ceci est que la frontière Tchad/Soudan connaît un climat d’insécurité dû à la crise du Darfour avec ses corollaires de : trafic d’armes de guerre, incursions et exactions de la « milice arabe » progouvernementale soudanaise : les « Djandjanwids », qui pillent systématiquement les villages tchadiens en emportant des troupeaux de bétail, en liquidant les bergers et en incendiant des maisons.

Pour le gouvernement tchadien, il ne fait aucun doute que le gouvernement soudanais est impliqué dans la déstabilisation du Tchad. Les camps d’entraînement, les casernes militaires, l’encadrement des hommes, l’arsenal de guerre, l’ouverture des bureaux de recrutement des jeunes tchadiens et l’utilisation du territoire soudanais sont autant de preuves indéniables avec pour point culminant l’attaque du 13 avril 2006, au petit matin, de deux bourgades à l’entrée de N’djamena (Gassi et Gaoui).

L’objectif de cette attaque alimentée par Karthoum était nul doute d’empêcher que l’élection présidentielle du 3 mai ne se tienne et d’installer au pouvoir au Tchad des personnes qu’il contrôle.

Malheureusement, pour ces adeptes du jusqu’au boutisme, les forces de défense et de sécurité nationales réagirent avec détermination et décimèrent les troupes ennemies. Des centaines de soudanais, tchadiens, nigérians et autres nationalités, pour la plupart des enfants, furent faits prisonniers ; des dizaines de véhicules tout terrain récupérés, des armes sophistiquées saisies et des documents précieux pris sur ces attaquants. Tout ceci a été présenté à l’opinion internationale et à l’Union Africaine, mais cette dernière, aux dires des autorités de N’djamena, n’a pas pris une position nette contre la violation flagrante par Khartoum des conventions internationales auxquelles il a adhéré.

Aux dires des autorités de N’djamena, certains pays voisins ont condamné cette agression d’un pays souverain (Soudan) contre un autre pays souverain (Tchad). C’est le cas de la République Centrafricaine, du Cameroun qui ont condamné clairement cette agression. Quant à la Libye, après avoir voulu jouer dans un premier temps l’influence économique, elle condamne aujourd’hui cette agression.

L’Egypte pour sa part soutient le Soudan financièrement. La Chine populaire soutient l’opposition tchadienne au Darfour parce que le Tchad a reconnu Taïwan. Disposant d’une manufacture d’armes et de cartouches, au Soudan, elle arme les rebelles tchadiens.
Le Niger ne fait pas grande chose.
Le Nigeria joue le jeu de l’UA malgré le fait qu’on recrute des rebelles dans son territoire.

Une des conséquences de la situation trouble qui règne à la frontière Tchad/Soudan (Darfour) est le problème des réfugiés soudanais. Le Tchad abrite sur son sol près de 300.000 réfugiés. Malheureusement, le Tchad ne dispose pas de moyens financiers et matériels pour entretenir ces derniers. Ils sont donc abandonnés à eux-mêmes. Le Tchad ne peut pas tout faire seul. Que fait la communauté internationale ? S’interrogent les autorités de N’djamena ! Pourquoi laisser les Djandjanwids massacrer impunément ces réfugiés ou recruter les enfants et les intégrer dans les bandes rebelles pour les envoyer après à la mort lors des attaques aussi bien au Soudan qu’au Tchad ? Sur ce plan aussi, le comportement de la communauté internationale embarrasse les autorités tchadiennes.

Mais peut-on seulement attribuer l’origine et l’évolution du conflit tchadien à des causes externes, s’est interrogée la délégation du PAP ?

b. Causes internes du conflit

Les autorités de N’djamena reconnaissent que le conflit tchadien n’a pas que des causes exogènes. En effet, le Tchad connaît la guerre civile depuis les années 1963 avec les révoltes paysannes dans le Nord, l’Est et le Nord-Est. Tombalbaye réprima durement ces révoltes musulmanes. Et dès 1966 des insurrections armées éclatèrent et un large mouvement de rébellion se développa (cf. 4.2, pp 6-7)
Depuis lors, le Tchad a connu une situation trouble qui n’est pas tout à fait terminée : dans différentes régions, des mouvements politiques militaires s’opposent, armes à la main, au gouvernement de N’djamena qui, de ce fait, est loin de contrôler tout le territoire national.

Quand Idriss Deby Itno accède au pouvoir le 1er décembre 1990 à la suite d’un putsch, chassant ainsi Hissein Habré, il promet la démocratisation. Depuis, un processus démocratique s’est mis en place.

Dès décembre 1990, une presse indépendante a pu prendre son essor. En janvier 1992, les partis politiques furent autorisés, et du 15 janvier jusqu’au 7 avril 1993, une Conférence nationale souveraine (CSN) a tenu ses assises. Elle a rédigé une Charte de la transition et formulé de nombreuses recommandations. Celles-ci ont trait au maintien du Président de la République dans ses fonctions, à l’instauration d’un Conseil supérieur de la transition (CST) composé de 57 membres élus par la conférence, à l’élection d’un Premier ministre par le CST devant lequel il est responsable.

Le Premier ministre fut effectivement élu dès le 6 avril. La période de transition débouchant sur des élections présidentielles et parlementaires libres, ne devait en principe durer qu’une seule année, mais depuis avril 1993 de nombreux blocages sont apparus, compromettant l’agenda initial. Ils avaient pour fondement : des divergences entre le Premier ministre et le Président de la République, des renversements par motion de censure ou démission des Premiers ministres successifs, ou encore la suspension par l’opposition, de sa participation aux institutions de la transition. Celle-ci a été en conséquence prorogée par deux fois. Le projet de Constitution présenté en janvier 1995 ne fut soumis au référendum que le 31 mars 1996 et adopté par 63,5% des suffrages. Les élections présidentielles se sont finalement tenues les 2 juin et 3 juillet 1996. Elles ont été remportées par Idriss Déby Itno opposé à Wadal Abdoulkader Kamougué au second tour. L’opposition a cependant contesté la régularité du scrutin dès le premier tour.
Ces élections présidentielles ont été suivies, début 1997, par des élections législatives lors desquelles le Mouvement patriotique du salut (MPS), parti présidentiel, a obtenu une majorité relative de 55 sièges sur les 125 que compte l’Assemblée nationale.

En mai 2001, de nouvelles élections présidentielles eurent lieu et Idriss Deby Itno fut élu dès le 1er tour avec une majorité absolue de 67,35%. En 2002 (avril), les élections législatives, prévues initialement en mars 2001, eurent lieu. La mouvance présidentielle remporta 118 sièges alors que l’opposition n’obtint que 38 sièges sur les 155 sièges à pourvoir.

En juin 2005, un référendum constitutionnel eut lieu. Certaines dispositions de la constitution, notamment celle relative au nombre de mandats du Président de la République, furent modifiées. De nouvelles élections présidentielles eurent lieu le 3 mai 2006, malgré l’appel au boycott de certains partis de l’opposition radicale et l’attaque du 13 avril 2006 tendant à empêcher le déroulement de ces élections. Idriss Deby Itno fut à nouveau réélu au premier tour par 64,67%.

Tout ce processus démocratique, d’après les autorités de N’djamena, est lent et parfois parsemé d’obstacles, mais il est irréversible. Pour ces autorités, en effet, le Tchad est en plein apprentissage de la démocratie après plus de trente ans de guerre civile. Il y a une évolution remarquable en termes de libertés publiques. Certes, la stabilité n’a jamais été parfaite, mais les autorités de N’djamena restent ouvertes au dialogue social, ne cessent-elles de répéter. Nous y reviendrons plus tard après avoir présenté le point de vue des autres parties prenantes au conflit tchadien, à savoir l’opposition et la société civile.

5.1.2. Le point de vue de l’opposition civile radicale

Au Tchad, il existe plusieurs types d’opposition :

- l’opposition armée qui veut prendre le pouvoir par les armes et qui se trouve cantonnée dans certaines régions du territoire, notamment à l’Extrême-Nord (Darfour), à l’Est (frontière avec la RCA) et à l’Extrême-Sud.
- L’opposition civile modérée divisée en plusieurs tendances : il y a d’une part les forces vives composées du regroupement de 6 (six) partis politiques et de 123 associations de la société civile. Cette tendance fait partie du gouvernement actuel. L’autre tendance est constituée des partis représentés ou non à l’Assemblée Nationale mais qui épousent les options du parti au pouvoir.
- L’opposition civile radicale qui est contre les options gouvernementales et milite en faveur d’un changement total des choses. C’est le cas par exemple de la coordination des partis politiques pour la défense de la constitution (CPDC).

Les points de vue exprimés dans ce paragraphe sont essentiellement ceux de cette dernière catégorie de l’opposition.
Pour l’opposition civile radicale, les causes du problème tchadien sont essentiellement d’ordre interne. Selon cette opposition, en effet, le Tchad vit une grave et complexe crise caractérisée par :



a) Une désorganisation de l’administration territoriale avec :

- un découpage administratif fait sur la base des préoccupations politiciennes et électoralistes, au mépris des données objectives,
- des chefs des circonscriptions peu ou pas compétents et franchement partisans ;
- des rapports tendus et hostiles avec les populations.

b) Un dysfonctionnement des services publics marqué par :

- des recrutements et nominations partisans sur fond de clientélisme ;
- une absence de budget applicable et appliqué (fonctionnement, des services à moins du 1/3 de leurs capacités et nécessités)
- des services sociaux déficients (santé, éducation).

c) Une mauvaise gouvernance se traduisant par :

- l’incapacité du pouvoir à assurer des personnes et des biens ;
● braquages en ville, dans les campagnes et sur les routes ;
● circulations des groupes de rebelles plus ou moins affirmées ;
● rackets de l’administration civile et des forces de sécurité ;
- la gestion calamiteuse de l’économie et des finances publiques :

● insuffisance de la production et exploitation inefficiente des ressources et potentialités nationales ;
● appropriation exclusive des richesses par une minorité, suivant des réseaux mafieux ;
● détournements systématiques et corruption généralisée.

d) des déficits sur le plan de la démocratie, notamment :

● l’instrumentalisation et l’avilissement du parti au pouvoir ;
● la déstabilisation des partis politiques de l’opposition démocratique
s’efforçant d’être autonomes et constructifs ;
● la création et le soutien des partis politiques fantoches ;
● le mépris des lois, procédures et règlements ;
● l’intimidation et la caporalisation des organisations syndicales ;
● l’intimidation de la presse et la traque des journalistes ;
● le mépris obsessionnel de la transparence en matière électorale.

e) des incertitudes sur les plans politique et institutionnel

Depuis plusieurs années, selon l’opposition radicale, le Tchad s’est installé dans des incertitudes sur la paix et la stabilité politique et institutionnelle. Aux déficits et dysfonctionnements relevés plus haut, s’ajoutent les facteurs aggravants ci-après :

● les désertions au sein de l’armée et les offensives de plus en plus structurées des groupes politico-militaires ;
● le tripatouillage de la Constitution ;
● les répercussions et conclusions résiduelles des évènements du 13 avril 2006 ;
● les désillusions de la population et le discrédit de l’action politique, du pouvoir et de l’Etat

5.1.3 Point de vue de la société civile

Pour cette dernière, la crise actuelle du Tchad s’inscrit dans un triple contexte :
- une crise fiscale due au détournement systématique et à grande échelle des revenus de l’Etat ; ce qui engendre une crise sociale sans précédent alors même que les revenus pétroliers devraient permettre à la population de mieux vivre ;

- une absence totale de dialogue entre les forces politiques nationales ;

- la persistance de la guerre du Darfour, devenue un conflit transnational à cause de l’implication massive d’officiels Zakhawa (l’ethnie du Président) qui offrent aux dissidents darfouriens un sanctuaire et l’aide militaire nécessaire à leur combat.

Khartoum et N’djamena ont parié sur leurs rebellions respectifs et ont ainsi créé les conditions du conflit actuel. L’opposition armée tchadienne a rendu des services à Khartoum, alors que les insurgés darfouriens ont prêté main forte à l’armée tchadienne dans les combats d’avril dernier.

La détérioration de la situation au Tchad, pense la société civile, n’est pas uniquement due au débordement de la crise du Darfour et à l’instrumentalisation par Khartoum des chefs de guerre tchadiens. Elle est également l’expression de la crise politique que traverse la réforme d’Idriss Deby Itno. Les liens de plus en plus profonds entre la guerre du Darfour et les affrontements au Tchad soulignent la convergence des deux crises et, donc, la difficulté croissante de les régler indépendamment l’une de l’autre.

5.2 Propositions pour sortir de la crise

5.2.1 Les propositions des autorités de N’djamena

a) Par rapport à la crise du Darfour

Comme nous l’avons vu plus haut, les autorités de N’djamena posent, comme préalable à la solution de la crise tchadienne, le règlement du conflit inter soudanais. Pour ces autorités, tant qu’il n’y aurait pas paix au Darfour, il n’y aurait pas de paix au Tchad.

Voilà pourquoi le Tchad s’est toujours posé en médiateur entre les parties en conflit au Soudan. Ce qui a abouti à la signature de l’accord d’Abuja en mai dernier ; par ailleurs, N’djamena s’est toujours rapproché des autorités de Khartoum en vue du rétablissement des relations amicales et fraternelles avec les voisins soudanais à l’exemple de l’accord de Tripoli du 08 février 2006. Mais très souvent, ces efforts ont été vains.

Ainsi, les autorités de N’djamena pensent que les efforts de la communauté africaine, à travers l’Union Africaine, et de la communauté internationale, à travers l’ONU, devraient s’intensifier davantage pour amener les forces soudanaises en conflit à respecter les engagements pris lors de la signature des accords de cessez-le-feu (8 avril 2004).

Le 3 mai 2006 a vu la signature à Abuja d’un accord politique entre le mouvement soudanais de libération (SLM) et les autorités soudanaises. Malheureusement, les deux autres factions de l’opposition armée (SJEM et ATEM) n’ont pas encore signé cet accord, malgré la demande persistante de l’UA.

Par ailleurs, la mission de surveillance de l’Union Africaine au Soudan (AMIS) n’a pas pu endiguer les assauts des Djandjanwids contre les villages des paysans du Darfour et dans les camps des réfugiés soudanais au Tchad, faute de ressources humaines, logistiques et financières suffisantes.

Aussi, les autorités de N’djamena prônent-elles la création d’une force d’intervention mixte ONU/UA au niveau du Darfour pour empêcher les mouvements incontrôlés de ces Djandjanwids. De plus, elles préconisent que la communauté internationale fasse pression auprès du gouvernement soudanais pour qu’il cesse de s’immiscer dans les affaires du Tchad. Quant aux pays voisins, enfin, ils pourraient contribuer à la solution du Darfour en prenant des mesures fortes pour éviter que leur territoire soit utilisé par les rebelles ou serve de terrain de recrutement de ces rebelles.

b) Par rapport à la crise interne

Depuis 1966, le Tchad connaît la guerre civile pendant que les autres pays se développent. Le Tchad connaît le prix de la guerre, car il a payé un lourd tribut en termes de personnes tuées, de villages incendiés, de bétail emporté et de réfugiés accueillis.

Aussi, le Tchad aspire – t – il enfin à vivre en paix. Il a besoin de la paix, car sans elle, il ne peut rien construire ; et la paix, c’est l’entente entre les différentes composantes nationales. On ne peut continuer à se faire des guerres inutiles. Le Tchad n’a pas besoin de cela pour se développer. On n’a pas besoin des armes pour conquérir le pouvoir. La population tchadienne en a trop souffert. Elle ne souhaiterait pas que cela se répète.

Pour ce faire, les autorités de N’djamena prônent un dialogue politique, ou encore un dialogue social qui consisterait à garantir et à renforcer les acquis et qui respecterait le programme du Chef de l’Etat. Car, il n’est plus question de revenir sur les décisions de la Conférence nationale souveraine de 1993 qui sont entrain d’être mises en application progressivement.

Les institutions en place doivent fonctionner normalement. Certes, il y a des insuffisances qui pourraient être améliorées, mais tout reprendre à zéro est très difficile à accepter. Aussi, les autorités de N’djamena pensent –elles qu’il est temps que les uns et les autres réfléchissent sur l’avenir du Tchad, qu’ils transcendent leurs différences et leurs égoïsmes pour servir l’intérêt national. Elles pensent que tout le monde peut contribuer à ce dialogue, à condition que chacun se mette à sa place dans le cadre du rôle qui lui est défini, au lieu qu’il se substitue aux autres pour faire leur travail ; l’essentiel étant que chacun contribue à l’effort de construction nationale.

5.2.2 Les propositions de l’opposition

a) par rapport à la crise interne

Partant du fait que depuis 2000-2001, la situation générale du Tchad a connu une dégradation croissante caractérisée par une crise économique aiguë, un immobilisme de l’administration publique et une crispation sur le plan politique, l’opposition pense que la tenue d’un ‘’dialogue national global’’ est nécessaire entre les acteurs politiques, pouvoir et opposition, la société civile et les politico-militaires, en présence des facilitateurs de la communauté africaine et internationale, en vue d’un renouveau démocratique, pour renforcer la paix, la cohésion nationale et la stabilité des institutions.

S’agissant de l’organisation des élections, forte des constats faits sur le terrain lors des précédentes consultations, l’opposition estime indispensable une évaluation consensuelle des difficultés et anomalies observées, afin d’y trouver des solutions appropriées. Ceci dans le but de crédibiliser la démocratie tchadienne et d’éloigner du pays les démons de la haine, de l’exclusion et de la violence.

Aussi, l’opposition propose-t-elle au gouvernement de créer un cadre adéquat pour cette évaluation conjointe. Les problèmes à traiter au cours de ce débat républicain seraient :

- la réalisation d’un recensement électoral correct, avec établissement d’un fichier sécurisé ;
- une relecture du code électoral pour l’ajuster et l’adapter aux réalités observées lors des consultations électorales précédentes ;
- une redéfinition, dans leurs compositions, leurs structurations, attributions et fonctionnements, des organes de gestion des processus électoraux (CENI et CNRE)
- Une mise à jour des autres textes législatifs et règlements portant sur le même sujet.

A l’issue de ce dialogue national non exclusif, et tirant les leçons de l’échec de la transition mise en place par la Conférence nationale souveraine, l’opposition propose une ‘’ nouvelle transition démocratique ‘’ qui s’attellerait à la restauration de la paix, à la renaissance de l’Etat, au redressement de l’économie pour ramener la sécurité au niveau social, et conduire à l’organisation des élections libres, équitables et transparentes.


b) Par rapport au problème du Darfour

Enfin, l’opposition reconnaît que, bien que le conflit tchadien soit d’abord et essentiellement un conflit interne, il est évident que le conflit du Darfour alimente celui du Tchad. Ainsi, selon elle, ce conflit inter soudanais ne trouverait pas de solution tant que le problème interne du Tchad ne serait pas résolu. D’où la nécessité de renouer avec un nouveau consensus national au cours d’un forum global et sans exclusif qui pourrait se tenir hors du Tchad. Ainsi, en front uni, le Tchad négocierait avec son voisin soudanais un accord de paix juste et durable.


VI. CONCLUSIONS

6.1. Sur les relations entre le conflit du Darfour et celui du Tchad

Zone de contact entre les Arabes d’Afrique du Nord et les populations de l’Afrique noire pendant des siècles, le Tchad a connu une histoire agitée et profondément marquée par les luttes ethniques et religieuses qui se poursuivent encore aujourd’hui.

Quelques années seulement après son indépendance en 1960, le Tchad a connu une insurrection armée qui s’est développée au fil des années dans certaines régions de son territoire, notamment dans l’Extrême Nord (frontière avec la Libye), à l’Est (frontière avec le Soudan au Darfour) et à l’Extrême sud (frontière avec la République Centrafricaine).

Mais de toutes ces rebellions, celle du Darfour aura été la plus récurrente dans la mesure où cette région a souvent servi de base arrière à toutes les rébellions armées dirigées contre les autorités de N’Djamena.

Depuis 1966, date de la première rébellion, et en dépit des nombreux accords signés entre le Tchad et le Soudan, ces deux pays s’accusent mutuellement d’abriter, chacun dans son territoire, les factions rebelles dirigées contre l’un ou l’autre et de soutenir ces dernières en leur octroyant des casernes d’entraînement, des armes, des hommes, des véhicules, etc…

Les derniers événements intervenus le 13 avril 2006 au Tchad sont venus renforcer ce sentiment et battre en brèche toutes les tentatives de rapprochement initiées entre les deux pays ces dernières années.

Aussi, après avoir écouté les uns et les autres, la mission est d’avis que le conflit inter soudanais du Darfour a des répercussions sur la situation politique au Tchad et vice-versa.

6.2. Sur le conflit interne du Tchad

Par ailleurs, lorsque, en 1990, le Président Idriss Deby Itno accèda au pouvoir, il promit la démocratisation. Seize ans après, on observe deux tendances: d’un côté, les tenants du pouvoir à N’Djamena pensent que les promesses faites ont été réalisées, parfois lentement, mais de façon irréversible ; de l’autre, l’opposition estime que la situation politique générale du Tchad connaît une dégradation croissante se traduisant notamment par une crispation des politiques et un déficit de dialogue entre les forces nationales.

La mission a néanmoins observé que, malgré l’antagonisme apparent entre les tentatives de solutions proposées par chaque partie, tout le monde est au moins d’accord sur la nécessité urgente d’un dialogue entre les différentes parties prenantes, le reste n’étant qu’une question de sémantique. Car, pendant que les autorités de N’Djamena parlent de « dialogue politique », l’opposition, quant à elle, prône un « dialogue national non exclusif » !

VII. RECOMMANDATIONS

7.1 Par rapport aux relations Tchad/ Soudan

Au vu de ce qui précède, et pour autant que le conflit au Darfour perdure et a des implications sur celui du Tchad, la mission :

a) réitère les recommandations que la mission d’enquête du PAP au Darfour a proposées dans son rapport du 23 février 2005, notamment ;

- la convocation d’une conférence nationale sur la paix, la
gouvernance démocratique et le développement du Soudan
impliquant toutes les parties prenantes au conflit,
- Le désarmement de tous les groupes armés au Soudan et surtout
des Djandjanwids ;


Par ailleurs la mission recommande que :

b) l’Union Africaine et la communauté internationale obligent les deux autres factions de l’opposition armée au Soudan (SJEM ET ATEM) à co-signer l’accord d’Abuja du 3 mai 2006 paraphé jusque-là par le gouvernement soudanais et le Mouvement soudanais de libération (SLM) ;

c) l’Union Africaine et la Communauté internationale facilitent la reprise du dialogue rompu entre le Tchad et le Soudan après les évènements du 13 avril 2006 ;

d) la Mission de surveillance de l’Union Africaine au Soudan (AMIS) devienne une force d’intervention mixte ONU / UA pour empêcher que le Darfour ne soit plus un refuge pour bandes armées incontrôlables et incontrôlées de tous bords, et que des moyens humains, financiers et logistiques suffisants soient affectés à cette force ;

e) les pays voisins du Soudan et du Tchad prennent des mesures fortes pour éviter que leurs territoires respectifs ne soient plus utilisés à l’avenir par les bandes armées comme lieu de passage et / ou ne servent de base de recrutement et d’entraînement aux rebelles.

f) la convocation par les Nations Unies d’une conférence internationale sur la circulation et le commerce des armes légères afin de limiter le nombre toujours important d’armes en possession par des particuliers ;

g) les camps des réfugiées soient sécurisés par la force d’intervention ONU / UA, en attendant le retour de ces réfugiés dans leurs pays respectifs.

7.2 Par rapport à la situation interne du Tchad

La Mission est d’avis avec toutes les parties prenantes au conflit tchadien que ce dernier tire aussi ses origines de la longue histoire agitée et marquée par des luttes ethniques, religieuses et politiques que ce pays connaît depuis des lustres.

Aussi recommande-t-elle que :

h) un forum sur la paix, la gouvernance démocratique et le développement du Tchad, soit convoqué,dans de meilleurs delais,par l’Union Africaine,en collaboration avec le reste de la Communauté internationale ; ledit forum réunirait le gouvernement, les partis politiques, les associations de la société civile, l’opposition toutes tendances confondues, bref ! toutes les parties prenantes au conflit, pour leur permettre de préparer un accord général de paix et de partage du pouvoir et des ressources du pays ; ces assises pourraient se tenir hors des frontières nationales ;

i) le dialogue, appelé de tous les voeux par les filles et les fils du Tchad rencontrés par la mission du PAP, soit franc et sincère au cours dudit forum afin que les règles de jeu soient clairement définies pour être ensuite respectées par tous ;

j) le Parlement Panafricain, à travers ses organes, et par l’intermédiaire des députés panafricains originaires des deux pays, contribue de façon concrète à faire renouer le dialogue rompu non seulement entre le Tchad et le Soudan, mais aussi entre les forces politiques et sociales de chacun des deux pays.

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