lundi 8 février 2010

L'organisation de la vie sociale chez les Pahouins du Sud Cameroun avant l'arrivée des Européens

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efmbozoo@justice.com Dr Samuel EFOUA MBOZO’O
Chargé de cours
Département d’ Histoire
FALSH
UNIVERSITE DE YAOUNDE I

Résumé : Cet article fait la synthèse de plusieurs sources écrites et orales sur l’organisation de la vie sociale chez les Pahouins du Sud–Cameroun. A cet effet, il traite successivement des origines, des migrations et de la stabilisation de ces populations en même temps qu’il examine leur vie en famille et en société, leurs rites, leurs sociétés initiatiques et leur religion.
Mots-clés :
Bantu (Cameroun), Fang- Beti (Cameroun), Pahouin (migration), Pahouin (famille), Pahouin (rites et sociétés secrètes), Pahouin (religion).
Abstract
This paper is the synthesis of various written and oral sources on the organisation of the social life of the Pahouins of the South-Cameroon. To this end, it deals successively with the origins, migrations and the settlement of these peoples and looks at the same time at their family and social life, their rites, initiatory societies and religion.
Keywords: Bantu (Cameroon), Fang-Beti (Cameroon), Pahouin (Migration), Pahouin (family), Pahouin (rites and initiatory societies), Pahouin (religion).

Introduction
Le sujet dont nous nous proposons l’étude dans cet article est à la fois complexe et intéressant. Complexe, parce que les documents historiques disponibles, traitant peu ou prou du thème, sont relativement récents et écrits principalement par des ethnologues, linguistes, sociologues et historiens occidentaux, avec leur sensibilité, leurs préjugés et leur vision des choses. Complexe, ce sujet l’est également, car la tradition orale qui, jusque-là, caractérisait l’univers africain en général et camerounais en particulier, est mouvante, insaisissable et parfois proche d’une sélection arbitraire. Mais le sujet ne demeure pas moins intéressant.
En effet, un examen attentif et approfondi du thème pourrait nous aider à démêler l’écheveau de nos origines, à mieux nous connaître et à mieux appréhender les défis qui nous interpellent face au phénomène de la mondialisation. Le « connais-toi toi-même » de Socrate retrouve ici toute sa signification, car comme le disait Marcus Garvey, «… un peuple sans connaissance de son histoire, de ses origines et de sa culture est comme un arbre sans racine… »
Intéressant, le sujet l’est enfin, car il pose un problème authentiquement historique que nous désignons sous le vocable d’ histoire des civilisations africaines. On ne peut, en effet, parler de civilisations camerounaises sans parler de l’Homme en Afrique et dans le monde. Parler de l’organisation sociale des Pahouins du Sud-Cameroun avant l’arrivée des Occidentaux, c’est parler ,dans un premier temps,de leurs origines, de leurs migrations et de leur stabilisation et, dans un second temps, de leur vie en famille et en société, de leurs rites, de leurs sociétés d’initiation et de leur religion.
I/ ORIGINES, MIGRATIONS ET STABILISATION DES
PAHOUINS DU CAMEROUN DANS LEUR HABITAT ACTUEL : TENTATIVE DE SYNTHESE
Parler des origines, des migrations et de la stabilisation des populations pahouines revient à parler du choc perpétuel et de l’éternel balancement des vagues humaines couvrant graduellement l’Afrique en général et le Cameroun en particulier pour les peupler ; c’est parler de ces vagues humaines se ruant les unes contre les autres, pour fusionner, se détruire et s’évincer mutuellement [Mveng,1963 : 211]. En effet, en Afrique en général et au Cameroun en particulier, l’origine des races reste encore très discutée car, il n’existe plus de race pure. Les races africaines sont très diverses et offrent des types qui s’apparentent aux grands groupes raciaux du monde.
Si les grandes découvertes paléontologiques tendent à montrer que l’Afrique serait le berceau de l’humanité, il reste que les investigations sur l’origine africaine de cette humanité sont loin d’avoir été épuisées. Aussi, cette première partie de notre article tente-t-elle, à partir des documents écrits et à travers les méandres sinueux de la tradition orale, de démêler l’écheveau des origines, des migrations et de la stabilisation des Pahouins habitant aujourd'hui le Sud-Cameroun.
A/ Origines
Les Pahouins ou Mpangwe, Panus, Pongwe ou encore Fang, sont un groupe ethnique faisant lui-même partie de la grande famille bantu. [Bowdic,1819; chaillu,1819; Tessmann, 1913; Alexandre et Binet, 1958 et Tempels, 1948.] D’où viennent ces Bantu du Sud-Cameroun ? ces Pahouins ? ces Fangs ? ici un choix s’impose. Nous n’utiliserons désormais dans cet article que le terme pahouin, nous lui avons préféré au terme fang. Car, il existe au Cameroun un sous-groupe pahouin qui se désigne du nom de fang au même titre que les sous-groupes bulu, ntumu, mvaé, fong, etc. Nous utiliserons par conséquent le seul terme pahouin pour désigner tous ces sous-groupes.
D’où viennent donc ces Pahouins du Sud Cameroun ? Il serait prétentieux de dire aujourd’hui avec précision d’où viennent ces peuples. En revisitant les diverses écoles, nous allons tenter une synthèse provisoire.
Pour le grand explorateur allemand Schweinfurthn repris par Dugast, le point de départ des Pahouins se situerait très à l’Est chez les Azandé, au Sud du Bahr-el-Ghazal. D’autres explorateurs, tels que le Dr Poutrin, le R.P. Trilles, Largeau ou Avelot ont soutenu cette thèse de l’explorateur allemand [Dugast , 1949: 59]. (carte N° II)
Baumann et Westermann s’inscrivent en faux contre cette hypothèse, car ils la trouvent très exagérée [Baumann, Thurnwald et Westermann,1948]. D’après eux, en effet, les Pahouins ne viennent que de la Haute Sangha. Par une série de migrations successives vers l’Ouest, et évitant la grande forêt équatoriale qu’ils contournèrent par le Nord, ils déferlèrent sur l’Ouest de l’Afrique équatoriale par la vallée du Lom et de l’Adamaoua : (Carte N° I)
L’avancée des sous-tribus s’est faite par bons successifs, chacune poussant l’autre en avant ou passant par dessus. La migration s’est faite par grands groupes familiaux dont chacun comptait une trentaine et qui constituaient l’unique unité politique et sociale. Ces Unions familiales (ayóñ) se sont avancées souvent en se dépassant l’une l’autre, vers l’Ouest d’une manière continue, les derniers venus s’établissaient au-delà de leurs devanciers pour une ou deux générations et repartaient ensuite.[Baumann, Thurnwald et Westermann, 1948].
Ainsi, dans l’histoire lointaine de ces Pahouins, il serait plausible de penser que ceux-ci, venant de quelque part (pays des Azandé ou Haute Sangha) firent leur première incursion dans le plateau de l’Adamaoua par l’Est, qu’ils séjournèrent pendant longtemps sur le Lom, puis auraient déferlé sur l’Adamaoua. Ces Pahouins guerriers qui, plus tard, semèrent la terreur, cherchèrent–ils noise à leurs voisins dont certains, peut-être, fuirent ? La question est complexe.
Mais il est permis de se demander si certains bantu du plateau central de l’Adamaoua n’ont pas voisiné avec les Pahouins. Est-ce par suite de voisinage, par exemple, que les Bafök de l’actuel village Lena, enclave isolée entre Yoko et Tibati, parlaient encore, au moment de l’enquête de Dugast (1948), la langue Bulu à peine déformée ? Le fait est troublant !
Qu’est-ce qui s’est donc passé pour que ces Pahouins partent de l’Adamaoua, zone de savane par excellence, et se retrouvent dans le Sud-Cameroun, zone de Forêt ?
B/ Migrations et Stabilisation
Il n’est pas aisé de se rendre compte des évènements qui se produisirent sur le plateau de l’Adamaoua pour en chasser les populations.
Faute d’une explication sûre, il est cependant plausible que le peuplement définitif du Sud-Cameroun, tel que les Européens le trouvèrent et le fixèrent à la fin du XIXè siècle, se produisit par secousses brusques à partir du XVIIIè siècle. Le royaume des Fulbe de Sokoto était alors à son apogée et livrait la guerre à celui du Bornu. Cette guerre chassa du Bornu les Babute qui s’enfuirent vers le Sud. Les deux royaumes rivaux étendirent leurs batailles très au sud de leurs habitats. Puis survint l’attaque violente des populations animistes du Nord par les Fulbe musulmans (Jihad). Devant eux, les populations prirent la fuite et se pressèrent les unes les autres. C’est ainsi que les Mbum, voisins des Laka, s’ébranlèrent bousculant les Babute. [Baumann, Thurnwald et Westermann,1948].
Plus à l’Est, la population Yangëre eut aussi à souffrir des incursions des fulbe. Les Yangëre se dispersèrent et s’entrechoquèrent avec les Baya. Ces derniers rencontrèrent les Pahouins sur le Lom qui, d’une vague irrésistible, submergèrent le haut plateau qu’ils abordèrent de l’Est. [Baumann, Thurnwald et Westermann,1948].
Mais ils (Pahouins) ne purent s’arrêter, pressés qu’ils étaient eux-mêmes par les Babute. Ils rencontrèrent les Basa'a et les Beti (une partie : les Tsinga et Manguissa). Alors, cet énorme flot pahouin pénétra à son tour, par vagues successives, dans la forêt et les derniers survivants allèrent le plus loin possible. Ils y trouvèrent les Maka et Djem, les scindèrent ou les assimilèrent.
Certains Maka furent repoussés jusque près de la Côte (Ngumba et Mabéa). Les autres restèrent cantonnés à l’Est du 13è parallèle (Maka et Djem de l’Est Cameroun). [Baumann, Thurnwald et Westermann,1948].
Les Pahouins s’avancèrent profondément et, dans la région du Gabon, retrouvèrent l’autre flot de Pahouins qui y étaient arrivés par la vallée de l’Ivindo. Lors de l’arrivée des Allemands dans les années 1880, on pouvait encore observer leurs derniers mouvements.
Derrière les hordes pahouines, sur le plateau central, la guerre sévissait aussi pour faire face à l’avance des Fulbe. La Sanaga et les abords de la forêt du Mbam furent les points où la résistance des populations arrêta les fulbe qui, par deux fois, s’infiltrèrent et se battirent chez les Bamun, puis chez les Bantu du Centre (Bafia). [Baumann, Thurnwald et Westermann,1948].
Telle nous est présentée la longue Odyssée des Pahouins habitant aujourd’hui le Sud-Cameroun au regard des rares documents disponibles. Quant à la tradition orale, elle reprend des légendes qui, dans leur ensemble, magnifient cette odyssée.
En effet, la plupart des légendes situent très loin, au Nord-Est, le premier pays habité par les Pahouins, pays qui possède une faune très différente de celle de la forêt et qui est peuplé par des « hommes blancs » disposant des chevaux et des maîtres dans le travail du fer.
L’arrivée dans la région forestière serait symbolisée par plusieurs légendes relatives à la traversée de la Sanaga par les groupes Fang-Beti. Le caractère controversé qui accompagne ces légendes s’observe au sein des multiples sous groupes Beti, Ewondo, Eton, Fang.
Il y a la légende dite du « trou de l’Adzap » (ôjambôa), indiquant l’obligation où se trouvèrent tous les groupes de migration de passer au travers d’un trou creusé dans un tronc d’arbre appelé l’Adzap (Missumops jave E.), près des sources du Nyong et du Dja. (Version Bulu).[ Ondua 1954 et Njemba ,1953]
Il y a la légende de la traversée du Yom (grand fleuve) sur le dos d’un immense serpent, le python (Ngan Meja) plus au moins extraordinaire commandé par des forces mystérieuses ou occultes contrôlées par certains patriarches du groupe qui, ayant pressenti le danger, ont fait quelques incantations magiques en vue de favoriser l’installation dudit serpent pour sauver le peuple en péril. Cette version, principalement avancée par les Eton, nous apprend qu’une partie est restée sur l’autre rive du fleuve à la suite d’une rupture de front occasionnée par un usager imprudent qui a confondu le serpent qui tenait lieu de passerelle à un tronc d’arbre sur lequel il a tenté d’enfoncer sa lance tant et si bien que les derniers groupes se sont retrouvés dans l’eau.
Il y a d’autres groupes ethniques qui invoquent la traversée à l’aide de l’arc-en-ciel, beaucoup plus en vigueur chez les Beti du Centre –Cameroun. Il convient toutefois de souligner que l’arc-en-ciel est considéré par bien des peuples du groupe Fang-Beti comme un serpent, mais un serpent envoyé par le Très –Haut, c’est-à-dire Dieu. Les Bulu estiment que cet arc-en-ciel a coutume de poursuivre les gens. Mais il faut par ailleurs dire que l’arc-en-ciel n’intervient qu’après la pluie et relie généralement deux fleuves d’égale importance. Comment estimer que l’arc-en-ciel puisse de manière aussi prompte et facile voler au secours de l’homme Beti alors que c’est un phénomène de la nature que les hommes n’ont pas encore pu dompter ? La question demeure.
Une dernière légende fait état de la traversée de la Sanaga par les Fang Beti, bousculés par les Babuté, par vagues successives. Mais que cette traversée s’est déroulée pendant la saison sèche sur un grand rocher que certains assimilent au serpent, et d’autres à l’arc-en-ciel. L’on peut en effet voir des grottes émerger par endroits sur la Sanaga en saison sèche.
Quelle que soit la version donnée, la traversée de la Sanaga, qui ne s’est jamais répétée dans les mêmes conditions, met en exergue plusieurs protagonistes ; chacune des légendes mérite par conséquent d’être étudiée et interprétée en valorisant des conditions appropriées. Que représentait le serpent ou l’arc-en-ciel pour les peuples d’autrefois ? Quel rôle jouait le fleuve ? Il est certes indiqué que dans les circonstances qui nous intéressent le fleuve n’est qu’un obstacle, mais il peut aussi servir de logis aux forces de la nature, aux esprits du bien et du mal.
De l’autre côté, le serpent, que l’homme a presque toujours considéré comme un bourreau, l’être qui donne la mort au moyen de la morsure, peut aussi rendre d’énormes services à l’homme puisqu’il est souvent utilisé comme le génie ou le totem d’un groupe. C’est peut-être sous cet angle qu’on peut considérer le rôle que joue notre python : l’intervention des ancêtres pour tirer la descendance d’une situation périlleuse semble la plus plausible.
Au bout de ces légendes, il y a fort à voir dans ces évènements une intervention d’un démiurge. En effet, l’incapacité qu’affiche l’agresseur Babute à pouvoir emprunter le même moyen de traversée confirme l’hypothèse d’une intervention magistrale des ancêtres à la suite des invocations des patriarches. Le moyen de sauvetage ne peut aider que ceux à qui il est destiné. N’y a-t-il pas un rapprochement à établir entre la traversée de la mer rouge par le patriarche Moïse et le peuple d’Israël alors que peu après les troupes égyptiennes sont englouties dans la même mer ? Au-delà, nous voyons l’intervention de dieu qui ne veut pas lâcher les siens, d’où l’évocation du terme « Arc-en-ciel, cordon ombilical qui lie l’homme à Dieu ».[Alexandre,1965,N° 20, vol 5]
Au demeurant, la philosophie qui sous-tend la légende de la traversée de la Sanaga n’est pas facilement perceptible. Le mythe reste donc énigmatique et peut-être réservé aux seuls initiés. Le message, sans nul doute, est à soumettre, comme le dit le professeur Thierno Bah à un « débat critique permanent dans l’appréciation de l’oralité comme source de l’histoire »
Toutefois, au regard de l’extrême fragilité de la mémoire collective, il convient de s’interroger sur les non-dits, les déformations du discours et l’influence idéologique que subit le récit à mesure que le temps passe, et que les interprètes se multiplient. La crédibilité du mythe, mieux du message véhiculé par toutes ces légendes, a certainement subi une corruption puisque nous n’accédons plus au récit de première main ; les propos utilisés, les images et proverbes ne sont plus les mêmes, certains éléments du récit authentique ayant eu le temps d’être rayés ou de faire l’objet d’une mauvaise interprétation, au-delà de ces variantes pour le moins subjectives.
En dépit de ces controverses, une vérité historique immuable se dégage: les Pahouins viennent d’une région de savane, montagneuse, située au Nord–Est de leur habitat actuel, probablement à l’Est de l’Adamaoua. Leur migration venue du Sud-Est, suivant l’axe de la vallée du Congo, se situe au début du 19è siècle à la suite des persécutions subies sous les assauts des groupes plus nordiques en l’occurrence les Babute. Ils ont donc traversé le grand fleuve Yom qu’on assimile à la Sanaga et essaient de retracer leur itinéraire.
Aujourd’hui, les Pahouins habitent la province administrative du Sud-Cameroun : Ce sont les Bulu, les Fang, les Mvae, les Ntumu, les Fong, les Mabea, les Ngumba, les Zaman, etc. Les faits nous présentent une civilisation, une culture commune et des langues apparentées. Il y a là un phénomène historique digne d’attention.

II/ L’ORGANISATION SOCIALE DES PAHOUINS AVANT
L’ARRIVEE DES EUROPEENS
Dans cette seconde partie, nous traitons de la vie sociale des Pahouins proprement dite. Tour à tour, nous examinons l’organisation familiale, les associations et rites d’initiation, et les croyances religieuses.
A- LA FAMILLE PAHOUINE
La famille est l’unité principale des Pahouins et tout jeune pahouin se doit de connaître de façon précise sa généalogie (Eñdan). On lui apprend surtout, écrit le père Trilles, la liste individuelle des ancêtres. Cette dernière concerne uniquement les générations masculines, (car) la femme est ignorée et, par ailleurs, ne reçoit jamais un tel enseignement » [Trilles, 1912: 109].
En connaissant les termes de sa lignée paternelle, l’individu sait à quels groupements de base il appartient, quelles femmes lui sont interdites et quelles relations il doit entretenir avec les individus morts ou vivants ; par des chaînons de plus en plus éloignés, il se rattache à des groupements d’extension de plus en plus vaste et de formation de plus en plus ancienne.
Le premier groupement, au sein duquel il se trouve inscrit de manière immédiate, est le Nda Bôt : groupe patrilocal, assise du village, qui a souvent son quartier et sa maison commune particulière, qui rassemble sous l’autorité de l’aîné (Ntôl Bôt ) la descendance de ce dernier, ses cadets et leur descendance quelque fois celle de son oncle paternel et enfin les individus qui leur sont rattachés par des liens de parenté, d’adoption et d’amitié.
Le plus vaste de ces chaînons est la « tribu » ou ayoñ dont l’origine peut être située avec une relative précision et dont l’éparpillement s’est effectué sur la quasi-totalité du pays occupé par les Pahouins. La tribu désigne donc le groupement le plus anciennement formé remontant à un ancêtre légendaire (Eñvam, vamba). Son unité se manifestait par une dénomination, une devise, un tatouage et des symboles particuliers. Ce groupement initial avait, avant les dernières migrations, une localisation précise et n’était divisé qu’en nombre limité de clans. Ces migrations ont provoqué une longue série d’éclatements, comme en témoignent les diverses légendes tribales qui rapportent au passage de la haute Sanaga (Yóm) et de l’accès à la grande forêt les fragmentations et divisions importantes.[Balandier , 1971: 103]
Le Révérend père Trilles a pu montrer comment, à la suite de ce mouvement, le nom tribal n’est conservé que pour le « clan du fondateur de la tribu et celui fondé par un de ses fils ou descendants en ligne directe » [Trilles, 1912]
Le terme « clan » reste alors réservé aux groupements constitués à partir des lignées remontant à un ancêtre réel (ésa), lesquels groupements, plus que la tribu, s’expriment localement et pratiquent une exogamie stricte et incontestable, participent aux systèmes d’alliances créées par le jeu des mariages et disposent d’une dénomination spécifique. Les clans, à leur tour, ont subi le processus d’éclatement, les groupements issus des lignées qui les constituaient peuvent alors être séparés par des distances importantes ou se trouver dans des territoires voisins (Gabon et Guinée Equatoriale). Le groupement large ainsi constitué et implanté dans une région délimitée, ayant une même souche (abialé bôt) forme un lignage majeur. Le mot abialé implique une idée de localisation ; il peut signifier lieu de naissance, lieu d’origine. Le groupement de même abialé bôt se distingue par un double caractère, l’un d’ordre généalogique : un ancêtre commun à toutes les lignées ; l’autre d’ordre généalogique : localisation nettement précise.
Ainsi, par l’intermédiaire de son père (Esa) et de sa mère (Nyi’a) l’individu se trouve inscrit dans deux groupements de parenté, paternel et maternel. Pour le jeune homme pahouin, tous deux n’ont ni la même signification ni la même importance. C’est au sein du premier que se déroule généralement le cours de son existence alors qu’il n’entretient avec les parents du second que des relations circonstancielles.
Au sein de la parenté maternelle, les rapports entre neveu (mon kal) et oncle maternel (ndom nyia) sont les plus importants : les rapports d’oncle à neveu sont très étroits pendant la vie, le neveu donne à son oncle beaucoup de cadeaux pour augmenter encore le prix payé pour sa mère et son oncle. De même l’oncle, à chaque visite de son neveu, lui tue les poules, etc. comme le beau-père pour son gendre... Si un neveu pauvre a besoin de marchandises pour payer un palabre ou se marier, il peut aller chez son oncle, que celui-ci l’aidera. C’est la honte suprême pour un homme de renvoyer les mains vides le fils de sa sœur »[ Curault 1908: 68].
Oncle maternel et neveu participent à l’héritage. Lors du décès de l’oncle, le neveu perçoit une « indemnité » correspondant à la valeur d’une femme et un mouton, et lors du décès du neveu, l’oncle maternel perçoit une » indemnité légèrement inférieure, variant suivant l’importance de l’héritage de son neveu, et un mouton.
Un tel ensemble de faits est compréhensible à partir du principe régissant la circulation des dots : le frère se marie avec la dot de sa sœur ». Dans un tel circuit, la formation d’un couple met en cause non seulement les deux éléments constitutifs, mais encore la sœur du mari qui a directement « apporté » la dot permettant le mariage, et les frères de la femme qui a indirectement récupéré cette même dot afin de se marier. Ce qui contribue à expliquer les liens entre le neveu et l’oncle maternel et les droits que la tante paternelle (Esanga) a sur les enfants de son frère, puisque c’est grâce à elle que son frère a pu se marier et, par conséquent, avoir des enfants.
Cette parenté est suffisamment agissante pour permettre, dans des circonstances exceptionnelles, l’établissement du neveu au sein du groupement familial de l’oncle.
Cette présentation des aspects principaux de la parenté montre assez que la société pahouine, tout en accordant la première place aux « paternels », reconnaît les « maternels » en leur attribuant des rôles importants. Cette double reconnaissance est affirmée par l’obligation de double exogamie : il est interdit d’épouser une femme appartenant au clan du père ou de la mère. Analysons-le de façon plus exhaustive à l’aide du mariage.
B/ Le mariage dans la société traditionnelle Pahouine
Le mariage joue un rôle capital dans le jeu des relations à créer avec les groupements étrangers, à la faveur des mariages multiples. Le Pahouin épousera donc une jeune fille pour se procurer des alliances dans les autres tribus et acquérir ainsi plus d’influence, ayant plus d’hommes attachés à lui par les liens de sang.[Trilles, 1905 : 49] Le mariage vise donc à un double objectif social : augmentation du prestige personnel et de la puissance du groupement familial.
A cela ajoutons la valeur qu’attribuait le Pahouin à la possession de plusieurs femmes. Cette valeur, le Dr Cureau l’exprime d’une façon imagée quand il écrit : « le gynécée est une banque, une caisse d’épargne »[Cureau, 1912 : 118] et M.L. Mba ajoute : la femme « fait partie des biens du groupe dans lequel le mariage la fait entrer »[Mba,1935: 39], voilà pourquoi l’adultère de la femme mariée est puni sévèrement parce que considéré comme viol.
En effet, la femme, dans la société pahouine traditionnelle, n’a pas de personnalité juridique. Elle n’a pas de propriété personnelle considérable, mais plutôt des biens d’usage. La femme, cependant, est un bien d’une nature spéciale ; elle est le bien par excellence : un capital créateur. Source de produits (par sa fonction agricole) et de services (par ses diverses fonctions domestiques), source de puissance (par la procréation d’enfants concourant à la défense de groupe ou procurant les alliances) et du personnel ; source d’alliances et de parentés (par son intermédiaire, le nombre de gens participant aux échanges de services et de cadeaux et pouvant accorder aide et assistance s’élargit). Ainsi, le mariage a un sens social prédominant, il crée les liens qui « accrochent » entre eux les groupements familiaux et claniques.
En effet, une série de cérémonies (Eli’iti) marquent l’intégration de la femme au lignage qui l’a accueillie. La mère de son mari lui récite la généalogie (Endañ) de ce dernier ; une ségrégation d’une semaine lui est imposée, après laquelle elle subit un rituel de sortie. Elle est baignée et ointe d’huile par la parente la plus âgée et reçoit un nouveau nom exprimant un souhait que formulent les autres femmes à l’occasion des chants et des danses.
Le processus du mariage entraîne le développement d’une réciprocité, d’une série d’échanges et même de défis dans l’échange entre les deux groupements familiaux qu’il allie. Dès la première phase dite fiançailles (Ndza’alúk), le jeune homme obtient une prééminence sur la jeune fille choisie, le droit de venir vivre auprès d’elle durant plusieurs jours : mais sa famille doit fournir aux parents de la fiancée, les premiers cadeaux et apporter une assistance à l’occasion des divers travaux (débroussaillement, construction des cases, etc.) C’est durant cette phase que le père de la jeune fille détermine le montant de la compensation matrimoniale (Nsúba).
Le deuxième temps correspond au paiement qui peut être échelonné à condition que le premier versement soit le plus important. Par contre, le Ntyi (celui qui a reçu la dot) est tenu d’apporter une contrepartie sous la forme des présents, des animaux le plus souvent.
Dot et contre-dot sont transmises au cours d’une cérémonie comportant défi et raillerie (bilaba). Les femmes du village de l’époux présentent les cadeaux en vantant la richesse de leur famille, en raillant la pauvreté des parents de l’épouse. Et ceux-ci répliquent avec moquerie en apportant les contre-dots.
Enfin, la troisième phase correspond à la « remise de la fiancée » (Eliiti) et son établissement durable au sein du groupement familial du jeune homme. Elle impose le cérémonial vu plus haut, la femme devenant véritablement épouse et non simple concubine, dès l’instant où elle peut faire la cuisine pour son mari ; après que sa « mère fut venue avec elle préparer le premier repas » [Largeau,1901]. C’est la dernière phase où les liens résultant de la réciprocité sont renforcés par une communauté intime entre les membres des lignages alliés.
Par la suite, les échanges se poursuivent sous la forme des visites, aides et présents réciproques se manifestant lors des naissances des enfants qui obligent le mari à offrir des cadeaux à sa belle-famille.
Tels nous apparaissent les aspects sociaux du mariage signalant notamment l’importance des liens qu’il établit entre groupements, la prééminence attachée au fait de contrôler la circulation des femmes. Mais il est évident que ce système ne fonctionnait pas sans heurts.
C’est ainsi par exemple que le mariage pouvait se réaliser par accord des jeunes gens contre la volonté des chefs de famille, à la suite d’un rapt (Abóm) de la fille. Par ailleurs, la femme a divers recours contre une union qui lui porte un préjudice grave. A la suite de ses plaintes, elle peut être liée à un autre des fils de son beau-père ou elle peut s’en aller chez un homme de son choix qui verse alors la compensation à son premier mari. Enfin, en cas de conflits dangereux, le divorce peut rompre l’union, mais il n’est possible traditionnellement qu’en cas des circonstances bien déterminées et avec l’assentiment des deux chefs de famille intéressés. IL existe donc des aménagements qui permettent de tenir compte des raisons personnelles. La femme pahouine ne peut par conséquent, en aucun cas, être comparée à un esclave.
Le mariage ne crée donc pas seulement une famille large, il crée celle dite restreinte ou individuelle. Le mari et sa femme constituent une entité spécifique. C’est le point de départ d’une nouvelle descendance.
C/ Les pouvoirs politique et judiciaire dans la société Traditionnelle pahouine.
1- Pouvoirs politiques
Politiquement, deux aspects caractérisent la société pahouine traditionnelle : le manque d’une organisation hiérarchique et l’existence des prééminences. En effet, la hiérarchie chez le Pahouin est basée soit sur la filiation, soit sur la supériorité intellectuelle et morale. Certains ethnographes ont exagéré cet aspect des choses en taxant les Pahouins de société « anarchique ». C’était mal les connaître.
En effet, le chef chez les Pahouins, c’est celui dont la communauté attend les plus éminents services dans l’opinion. Il convient cependant de noter que la prééminence, la possession du récipient contenant les crânes des ancêtres la justifie et la rend efficace. Cette autorité de l’aîné n’a cependant pas permis l’implantation des chefferies efficaces; [Balandier, 1971] car, s’il est vrai que la séniorité crée l’autorité d’une manière quasi automatique, cette dernière est cependant limitée et très souvent menacée par le principe qui veut que le « plus capable » soit le plus influent. Ainsi, ni les villages, ni les fragments claniques localisés et encore moins le clan et la tribu ne révèlent l’existence d’une hiérarchie politique. Il s’y manifeste la prééminence de l’aîné ou celle provisoire d’un homme qui a su s’imposer par sa sagesse et ses qualités. [Balandier, 1971]


2- Pouvoirs judiciaires
Dans un tel système social, laissant place aux relations d’opposition, les instances de justice et de conciliation sont appelées à jouer un rôle de premier plan. Le Pahouin a établi non seulement une classification des infractions : Nté , simple différend, Etóm , litige grave pouvant entraîner une guerre et Nsém , infraction rituelle et une gradation des peines allant jusqu’à la mise en otage Nkôm . Mais il a conçu aussi une organisation judiciaire recourant à des arbitres , un « jury » et précisant les divers moyens d’établir la preuve. On note ainsi l’existence d’un « tribunal de famille » au niveau du lignage mineur, qui manifeste le Ntôl (aîné) en tant que conciliateur, assisté par un ou deux membres du groupement et ne connaît que les affaires proprement internes. [Balandier, 1971]
Ensuite, vient le « tribunal de lignage majeur » qui intervient à propos des conflits opposant deux ou plusieurs nda bôt et constitue en principe une juridiction d’appel qui doit être formée par un juge (qui n’est pas nécessairement le chef du lignage, mais aussi bien un conciliateur ayant révélé son habileté) auprès duquel figurent les représentants des groupements en cause. [Balandier, 1971]
Enfin, on note l’existence d’un « tribunal de clan » constitué de manière semblable qui a les mêmes fonctions au niveau des groupements plus larges. Ajoutons que les jurés n’étaient désignés, en dehors des parents et des alliés, que le jour même de la réunion du tribunal.
Somme toute, en fait d’action judiciaire et de chefferie, il apparaît que le cadre des groupes de descendance et de parenté ne s’est guère prêté à une centralisation du pouvoir, qu’il soit politique ou judiciaire. Par contre, certaines sociétés secrètes disposent d’une organisation souvent efficace et qui compense cette défaillance de la chefferie et de la justice.
D/ Les associations et les sociétés secrètes :
Nous avons vu plus haut la nature assez lâche des liens qui existaient entre les sections mêmes rapprochées d’un clan. Cette lâcheté des liens entraîne la nécessité de réunions périodiques ayant pour but de rappeler la solidarité entre tous les membres et de l’exprimer sous forme « d’entraide en nature, en deniers ou en journées de travail ». Ces liens se trouvent ainsi resserrés lors de l’initiation des jeunes gens au culte du sô , du bekungu ou du ngi [Le Leroux, 1925: 6]
1- Le Bekungu
En effet, chez les Pahouins, chaque garçon doit être initié au culte Bekungu s’il veut être considéré comme un homme à part entière. La première initiation au culte Bekungu intervient quand le garçon a entre 5 et 7 ans. Ce rite est pratiqué pour se purifier du nsem qui est une infraction rituelle. Et dans un village, il y a des signes révélateurs du nsém quand :
- plusieurs garçons sont atteints d’ulcères ;
- plusieurs membres de la famille meurent et dans ce cas, le « Nsém » est la conséquence de la violation de certaines pratiques interdites. Par exemple, un homme non initié a mangé de la viande du gibier interdite au garçon et aux femmes ou encore des personnes parentées ont commis l’inceste ou se sont mariées, ou enfin une personne a tué un de ses parents. [Mekondane m’Effa, 1977]
2- Le Ngi
Quant au culte du ngi , il a une activité multifonctionnelle et vise à une sorte de totale remise en ordre au moment des conflits exceptionnels. Le chef du ngi se nomme nnom ngi . Il fait construire une sorte d’enclos ( esam ngi ) où on fait des médicaments et égorge les animaux tout en initiant les jeunes gens qui apprennent, auprès de lui, les mystères du ngi. L’intérieur de l’ esam ngi est rempli de crânes humains, des os des bras et des jambes et de toutes sortes de médicaments. Les gens déjà initiés et aptes à danser se nomment « be-omó’o ». L’initié du ngi est sensé ne pas mourir même s’il prend du poison ; il est, en tous endroits, « garanti contre toute attaque », il circule « sans crainte du moindre attentat » au milieu des tribus qui sont en « vendetta ouverte ». Le mot ngi désigne la puissance, garante de l’ordre. [Mekondane m’Effa, 1977]
Le nnom ngi a le droit de frapper, de blesser et même de tuer. La solennité de son action est marquée par l’arrêt de toute la vie au sein du village lors de son arrivée : les habitations sont fermées, les feux éteints, les femmes et les enfants claustrés, aucun villageois ne devait se rendre dans la cour intérieure. La cérémonie finale comporte en l’érection d’une statue creuse d’argile (nommée également ngi ) devant laquelle tous les habitants du village et ceux des villages de la même lignée doivent comparaître. Elle a pour fonction de révéler les coupables ayant provoqué des morts inexpliquées ou des calamités dont le groupement tout entier pâtit, etc.
L’intervention du ngi est sollicitée dans les moments de crise grave. Elle appelle une action totale mettant en cause des lignages entiers. Pour ces derniers, elle a valeur thérapeutique en déterminant une culpabilité, en refaisant l’unité à l’occasion du châtiment, en recréant une nouvelle vigueur à la faveur de cet « assainissement ».
En définitive, le ngi constitue d’abord un instrument de lutte contre les sorciers Minvuvu ou Beyem dans la mesure où ceux-ci s’efforcent d’atteindre l’ordre normal. Mais il est bien plus que cela, c’est l’annonce d’un pouvoir supérieur à celui que fonde la parenté, un groupe à forte capacité de contrôle et sans doute le plus puissant.
3- Le sô
Une autre société secrète qu’on trouve chez les Pahouins est le culte du sô [Tsala, (s.d.): 56; Bertaut , 1956, et Laburthe-Tolra, Owona et Ngongo] Nous n’y insisterons pas beaucoup. Précisons néanmoins que le rite sô tire son nom du céphalophe à ventre blanc (cephalopus leucogaster). C’est un rite fétichiste social. On y initiait les jeunes gens pour les exercer à l’endurance, pour leur donner accès aux assemblées solennelles du pays, pour les relever de la majorité des tabous. Il y avait deux espèces de sô : le sô privé et le sô solennel. Ce dernier était le seul estimé. L’initiation débutait au village, allait se dérouler en pleine forêt, loin des femmes et des non initiés. Les jeunes gens y étaient soumis à d’horribles sévices auxquels certains succombaient. Ils vivaient de longs mois dans un appartement séparé, dit esám-sô ; seul le riche pouvait l’organiser puisqu’il y sacrifiait une bonne fortune. On l’organisait pour obtenir la rémission d’une faute grave que l’on avait commise soit personnellement, soit en la personne d’un membre de la famille.
La réparation d’une transgression légère se faisait à l’entrée du village. La formule d’absolution en usage était la suivante :
Pendant que je me tenais le dos tourné contre le palmier et que je contemplais la borraginacée « cordia platythursa », mon chien est mort et le varan s’est échappé. Que le sô soit tranquille, qu’il soit absolument tranquille. Que le sô soit tombé mort. Qu’il soit tout à fait.....je détache, je détache : je dénoue, je dénoue et j’ordonne que tout aille à vau-l’eau et sans appel. Que tout soit à vau de route et irrévocablement.

Le rite sô avait aussi un objectif social, celui de sceller des alliances entre membres de tribus différentes. Tous les initiés au rite sô s’estimaient frères et se devaient un respect mutuel. C’est ce qu’on appelle avu sô . les membres d’un même Avú sô pouvaient s’offenser mutuellement et quelle que fût la nature du tort, l’offensé ne devait pas s’en irriter. Il devait tout au contraire sourire, considérant l’offense comme une blague. Bien que considérés comme frères, les membres de tribus différentes d’un même avu sô pouvaient néanmoins se marier. Par ailleurs, on n’avait aucune raison de décliner la doléance d’un membre du même sô . le rite fut supprimé par l’administration allemande en 1910.
Chez les Pahouins, il n’existe pas que de sociétés secrètes de pacification du genre ngi, so ou bekungu , certains d’entre elles assument plutôt un rôle presque permanent d’opposition à l’ordre social.
Tel est le cas de la société des hommes dits sorciers ( Minvúvú ou Beyém ) qui s’efforcent d’acquérir de manière durable et à titre personnel, la richesse, la force et la puissance. Chacun d’entre eux a été admis en fonction d’une différenciation absolue, la possession d’un « génie », nommé évu , qui est physiquement repérable et d’une initiation particulière. Cette dernière entraîne l’obligation de rompre (au moins symboliquement) les liens de parenté et d’alliance en sacrifiant le premier enfant, s’il s’agit d’une femme ou de l’oncle maternel s’il s’agit d’un homme.
Le évu se reçoit avant la naissance ou durant la première semaine qui la suit. Il transforme l’organisme de l’individu qui le porte, puisqu’on peut le déceler au moment de l’autopsie. Briault le décrit ainsi : « c’est une bête pourvue de pattes avec des yeux, une bouche et une langue ....elle peut voyager à travers le corps ». [Briault,1948 : 37-43] Biologiquement, le possesseur (nnem ou mvuvu) et le évu sont liés : celui-ci « grandit avec l’enfant et n’atteint sa pleine vitalité qu’au moment de l’âge adulte ». Leurs énergies respectives sont dépendantes et exigent des sacrifices permettant leur conservation. La liaison de l’un et de l’autre s’exprime par le jeu des interdits et des obligations particulières dont le nnem ou le mvuvu (singulier de beyem et minvuvu ) ne peut se délivrer. Tout contribue à donner au nnem le sentiment qu’il est d’une nature différente. Lavignotte écrit :
L’évur habite dans le corps du possesseur, lui permet de se dédoubler ou plutôt sort de son corps pour agir à sa place, de connaître les secrets des autres beyem , de décupler sa force, de faire des choses extraordinaires qui permettront de devenir riche, de tuer sans laisser de trace [Lavignotte, 1936]

Et Trezenem d’ajouter : « sauf dans les cas d’activité en faveur de son possesseur... l’évu est toujours malfaisant » [Trezenem: 68-74]
Ainsi, se trouve affirmé l’usage d’une puissance non commune à des fins strictement personnelles. Alors que les sociétés comme les bekungu , le ngi ou le so , ont une activité licite qui maintient la cohésion au sein de la société globale, l’ensemble des beyém ou minvúvú constitue un corps étranger foncièrement hétérogène et par là dangereux au maximum.
Mais il n’y a pas que les hommes à avoir des société secrètes, il en existe aussi chez les femmes telles que le mëvungu .
4- le Mëvungu
Comme chez les hommes, le mëvungu vise à plus d’un objectif. Il sert à purifier et à protéger la société, à élever les jeunes filles au rang de femmes accomplies. Il sert à féconder une société malade ; il souligne la qualité de la femme comme source de vie. Comment ?
Le mëvungu qui se déroule en une nuit est un rite très court par rapport à son équivalent masculin sô qui dure 6 à 9 mois. Et pourtant, il paraît riche de signification, constitue comme une conception féminine du monde. [Ngoa, 1975: 242-255]
Quand tout va mal dans la famille, à l’initiative du chef de famille, la mpkwe mëvungu organise le rite, aidée de la maîtresse du rite, mbe’e Mfék ; le rite comprend :
- des chants auxquels prennent part femmes et jeunes filles ;
- préparation du mbom mëvungu , paquet très complexe composé de plantes et de bête et déposé près d’un grand feu puis mis au feu ;
- la recherche de la ngo’nkeñ (jeune double cloche) ou nkukuma minga (la reine) ou nyia mëvungu (mère de mëvungu), c’est-à-dire une femme à long clitoris. Celle-ci couché sur le dos, les genoux hauts et les jambes écartées, reçoit alors des offrandes (lance, monnaie de fer, deux poules, dont une femelle et un mâle) ;
- le salut à la reine ( esuk nkukuma ), initiation des jeunes filles qui aspergent le clitoris de la reine avec une mixture, puis dansent au-dessus du feu dans un va-et-vient qui se termine lorsqu’elles sont acceptées par les initiées.
- des incantations sur la ngo’nkeñ par les femmes avec les chansons destinées à faire peur aux méchants et aux indiscrets ;
- La danse de la ngo’nkeñ à son tour, elle saute par dessus le feu. Le reste de la nuit se passe à manger, à chanter et à danser. Quelles significations donner à ce cérémonial ?
Le mëvungu est d’abord un rite de purification et de protection de la société. Aussi , chaque famille se concentre t-elle avant sa célébration, afin de confier aux femmes les actes antisociaux à faire bannir par des incantations sur la ngo nkeñ : brigandage, calomnie, mauvais sort, stérilité des femmes comme des champs. La société étant malade, il faut la laver de toutes ses souillures par le mëvungu . Voilà pourquoi on relève dans le paquet de Mëvungu ( mbom mëvungu ) la présence d éléments dont on se sert généralement pour l’esob nyul (lavage du corps) : obólsi (herbe) mboña (herbe abomedzañ (herbe) atyi kúb (œuf de poule)
Rite de purification et de protection, le mëvungu est aussi un rite de passage, il permet la transition d’un statut social à un autre, en l’occurrence le passage du non-initié au rang d’initié. Mais il n’est pas que cela, il est aussi un rite de fécondation, de reproduction, de recréation de la société malade.
Par ce rite, la femme a voulu souligner sa qualité de mère, de source de vie. Voilà pourquoi elle a choisi une personne à cheval sur l’homme et la femme comprenant les principes mâle et femelle de la reproduction. D’autre part, la position physique de la reine pendant le rite et notamment au moment des incantations, sur le dos, les genoux hauts et jambes écartées, rend le clitoris plus proéminent encore, comme s’il était un organe différent du reste de l’appareil de conception féminin. A elle seule, la ngo’nkeñ effectue ainsi l’acte sexuel, elle réactualise symboliquement l’acte de création original. Et c’est à cet acte des origines que renvoie la danse que la ngo’nkeñ et les candidats à l’initiation exécutent sur le feu ; ces va-et-vient incessants ne représentent rien d’autre que le coït. En somme, la ngo’nkeñ recrée à elle seule, la société perturbée.
Enfin, c’est par une hermaphrodite que la société renoue avec ses origines. Toute incantation, on l’a vu, se termine par l’extinction par le feu, d’une torche dans l’appareil génital de la ngo’nkeñ . On éteint la vie des malfaiteurs de tout principe mauvais, en les replongeant dans les profondeurs des sources primitives. La femme apparaît ici comme être charnière, un être à double-face : « sur le dos, c’est de l’eau, dit une chanson, sur le ventre, c’est de la terre », tout comme une carapace de crabe. Grâce à la femme, la société parvient à rétablir son cordon ombilical coupé. [Ngoa, 1975: 242-255]]
De ce point de vue, la femme peut-être considérée comme un élément de transition sinon un lieu de transit. Si l’on veut changer de statut social ou de mode d’existence, si l’on veut sauver sa vie en danger, il faut transiter par la femme.
E- La religion traditionnelle pahouine
La religion est indissociable du reste de la vie des Pahouins. Le culte des ancêtres, les associations, la magie et la sorcellerie, comme nous les avons vus plus haut, sont des croyances et pratiques para-religieuses, car si le pahouin croit en un Dieu créateur et tout puissant, il n’en demeure pas moins vrai qu’il voue aussi une foi inébranlable aux pratiques ancestrales : « tout, dans l’univers Africain en général et pahouin en particulier se tient, comme une toile d’araignée dont on ne peut faire vibrer un seul fil, sans ébranler le reste des mailles ». [Tempels, 1948]

Les Pahouins, en effet, croyaient à l’existence d’un être créateur, Zome Yo’o Mebe’e , mais ne lui vouaient aucun culte. Ils prétendaient que ce dieu avait un corps comme l’espèce humaine mais personne ne l’avait jamais vu. Interrogés par le Dr A. C Good sur l’origine de ce dieu, les Pahouins avaient toujours répondu Zome Yo’o Mebe’e ya Nkpwa évo , ce qui n’est qu’une tirade généalogique. Son nom est Zome ou Zame, Mebe’e est son père et Nkpwa evo est son grand père. Cependant, on le trouve plus communément désigné sous le nom de Zambe, ce qui littéralement voulait dire « qui était là » ? et qui constituerait une forme imagée de l’indétermination des origines de ce créateur.
Et selon une tradition pahouine, Zambe créa un homme, un nain, un gorille et un chimpanzé. Il donna à chacun d’eux une compagne et les envoya au monde avec du feu, des outils et des semences. Zambe donna un fils au premier homme et à sa femme, en leur recommandant de ne pas enterrer l’enfant si jamais ce dernier venait à mourir, mais de le placer plutôt sur un râtelier au-dessus du feu. Quand l’enfant mourut, l’homme et la femme agirent selon les instructions de Zambe. Mais un lézard prétendant avoir reçu d’autres ordres de Zambe, leur dit d’enterrer l’enfant; ce qu’ils firent.
Mais lorsque Zambe vint pour chercher l’enfant, il ne le trouva point. Conséquence : Zambe disparut et la mort vint. [Good ,1892]
Cette tradition ressemble curieusement à l’histoire d’Adam et Eve dans le livre de la Genèse de la Bible chrétienne. La toile de fond est la même : la désobéissance des premiers hommes à leur créateur. Dans quelle mesure les deux récits peuvent-ils se référer à une même et seule vérité ? Nous ne saurions le dire. Une chose cependant semble évidente, c’est que cette croyance en Dieu a pu s’altérer au cours des siècles.
En effet, comme nous l’avons vu plus haut, le culte de l’ancêtre a été tant et si bien fort qu’il aurait rejeté au second plan l’être suprême et parfois provoqué son élimination. Le culte des ancêtres tient en conséquence une place importante et notamment celui du premier chef à qui on attribue la création du pays, la fondation et la protection du village. L’Etre Suprême devient ainsi très superficiel parce que très lointain et par conséquent, représenté nulle part et très peu pris en considération.
Aussi, les relations entre le Pahouin et Dieu sont-elles très limitées : les prières n’existent pas, cependant les traces de vie intérieure et de méditation ne manquent pas. Et les sorciers n’ont-ils tout un formulaire adressé aux esprits et à l’Être Suprême dans les circonstances particulièrement difficiles ?
Quant au culte, la religion pahouine a été présentée comme une religion sans temple ni sacerdoce. C'était mal connaître cette société avec les cérémonies d’initiation aux rites so, mëvungu et ngi, etc. ; Ceux-ci constituent de véritables églises avec leurs prêtres, leurs couvents, leurs rites qui s’imposent aux fidèles.
Partout, la mort donne lieu à de grandes cérémonies caractérisées par des chants, des cris, des danses, des vibrations. N’est-ce pas des signes extérieurs qui accompagnent un sentiment profond à l’espérance de l’au-delà, à ce long voyage dont on ne revient jamais, lieu de retrouvailles avec les ancêtres ? n’est-ce pas là des croyances profondes dans la vie des Pahouins aussi importantes que la foi en un Dieu tout puissant, mais lointain ?
En effet, le Pahouin croit aux esprits, lesquels résident partout aussi bien dans les êtres vivants ou morts que dans les objets matériels, et l’on s’occupe d’eux à proportion du mal qu’on en redoute des services qu’on en attend.
Concernant l’âme, les Pahouins croient qu’ils ne meurent pas complètement et que leur esprit survit. Ils admettent la possibilité de séparations répétées entre l’âme et le corps, à la faveur des phénomènes tels que le syncope ou le coma : ces états leur apparaissent comme équivalents à une mort véritable suivie de réincarnation. Mais ce qui vient parfois troubler l’existence de vivants, c’est que les âmes des défunts exercent un pouvoir généralement malfaisant à l’égard des vivants, elles ont la capacité de s’introduire dans le corps de ceux-ci et de lui apporter la maladie, d'où une existence quasi tourmentée.
Aussi, doivent-ils, toute la vie durant, s’occuper de lutter contre les forces ténébreuses qu’il s’agit de concilier ou d’apaiser. Qu’il s’agisse de s’assurer une bonne récolte ou encore d’obtenir la guérison d’un malade, on recourt sans hésiter aux sacrifices d’animaux voire humains.
Ce dernier point reste très controversé et en particulier le problème de l’anthropophagie. Pendant longtemps, en effet, on a vu dans celle-ci la marque d’une effroyable cruauté et d’une sauvagerie sans nom et essayé de l’expliquer par des nécessités économiques telles que disettes et famines. C’était là, une fois de plus des solutions simplistes. Car, l’anthropophagie apparaît, elle aussi, comme liée à un ensemble religieux dont elle constitue un des rites magiques. Même si, par la suite, elle en est arrivée à englober des actes sans portée religieuse déterminée, comme serait parfois l’exécution d’une vengeance à l’égard d’une famille ou d’un clan, il serait téméraire de porter un jugement définitif. [Good,1892]
Que dire alors d’un indigène qui croit qu’en mangeant la chair de son ennemi, il s’approprie ses qualités ou s’immunise contre sa tribu ?
Ainsi, après examen objectif, il faudrait bien reconnaître en tout état de cause que la religion tient une place importante dans la vie traditionnelle des Pahouins. On est donc amené à se demander si les Africains traditionnels se contentaient d’évoluer au milieu de pratiques superstitieuses et les rites protecteurs ou si, parallèlement à cela, ils étaient guidés par une loi morale supérieure ? le peu que nous puissions dire est que, s’ils subissaient une coutume précise et astreignante, celle-ci avait aussi valeur de loi morale représentée surtout par des interdictions.
Prenons un exemple précis, celui de la grossesse. Celle-ci s’accompagne d’interdits dont la majorité concerne l’alimentation. C’est ainsi qu’il était interdit à la femme enceinte de manger telle ou telle espèce de poisson, de peur d’exposer l’enfant aux maladies les plus redoutables : éruption, convulsion, etc. il était de même de la viande d’une grande antilope saignante car elle provoquerait une hémorragie au moment des couches. Pas de viande de lièvre car celui-ci paraît toujours fatigué et endormi et l’enfant naîtrait avec le bec de lièvre. Par ailleurs, interdiction était faite pour deux femmes enceintes de demeurer dans une maison ou de s’asseoir sur un même banc. Interdiction pour la future mère de regarder la tête de panthère et pour le père de creuser une tombe durant la grossesse de sa femme, car l’enfant en mourait dès la naissance.
Il n’est donc pas exagéré de souligner la réalité d’une morale naturelle. Celle-ci comporte des exigences vis à vis d’autrui et vis à vis de soi même, ce qui a donné lieu à un édifice social relativement équilibré et bien conçu.
Il ressort de tout ce qui précède que la religion imprègne toute la vie du Pahouin, sa vie individuelle, sa vie familiale, sa vie socio-politique. Elle a une fonction psychologique et sociale d’intégration et d’équilibre, elle permet aux personnes de se comprendre, de se valoriser, de s’intégrer, de supporter leur condition. « La religion informe tout ; son emprise s’étend à la vie politique, sociale, familiale, l’esprit religieux l’emporte en général sur l’esprit politique » [Aujoulat,1958: 316-319].
La religion païenne est avant tout une explication de la vie, expérience de la condition humaine : « la condition humaine occupe le premier plan dans les comportements religieux » [Société Africaine de Culture(éd.),1965 : 34]
Ces diverses constatations nous amènent à caractériser la religion traditionnelle des populations concernées comme essentiellement anthropocentrique. Toute expression et toute démarche religieuse ont pour visée essentielle, la condition humaine. C’est elle qui prime dans les prières et les sacrifices, les contes et les proverbes, les mythes et les symboles. [Maurier,1965 : 55]
Il n’empêche que la religion des Pahouins atteint son sommet en Dieu, source de vie, père et créateur de tout ce qui existe, ce qui revient à dire que Dieu et l’Homme constituent les deux points de mire de la religion pahouine. Contrairement aux occidentaux qui conçoivent le monde comme stable, comme une machine bien réglée dont les lois peuvent être comprises par la raison humaine, les Pahouins, eux conçoivent le cosmos comme un complexe de forces affrontées se neutralisant les unes les autres, mais dont l’équilibre est toujours instable.
La religion traditionnelle joue effectivement son rôle rassurant et protecteur. Profondément intégrée à la vie sociale et technique, elle imprègne de son rituel tous les actes quotidiens et insère l’homme dans un réseau efficace de défenses et de certitudes. Elle remplit parfaitement les conditions de vie traditionnelle.
En définitive, le premier caractère, sans doute le plus important de la pensée religieuse du Bantu en général et du Pahouin en particulier, est la croyance en un Dieu créateur, unique, devenu infiniment lointain, infiniment transcendant, inaccessible directement à ses créatures, généralement à la suite d’un acte mauvais, d’une sorte de péché originel, par lequel une créature a, au début des temps, rompu l’ordre du monde tel que l’avait institué le créateur. En général, cet acte destructeur a été racheté au prix d’un sacrifice sanglant par un héros rédempteur, ancêtre de la tribu, qui a ainsi rétabli au plan terrestre l’équilibre cosmique dont l’équilibre social de la tribu est à la fois l’image de la condition.
De là découlent, d’une part, l’importance des ancêtres, chaîne reliant les vivants contemporains aux origines du monde et à Dieu et, d’autre part, les normes de l’éthique : est bon tout acte ou comportement qui, volontairement ou non, concourt à maintenir ou à rétablir l’équilibre social-cosmique, mauvais tout acte ou comportement qui, à l’inverse, aboutit volontairement ou non à compromettre ou à détruire cet équilibre dont les références sont toujours à chercher dans le passé, en direction de l’ordre originel.
Cette éthique est sous-tendue d’une logique qui, contrairement à ce qu’ont prétendu certains sociologues, n’ignore pas les rapports de cause à effet sur une théorie en quelque sorte scientifique du cosmos. L’équilibre cosmique serait alors un équilibre dynamique, en tension, résultant de l’interaction réciproque des forces dérivant toutes, ou découlant toutes d’une énergie initiale émanant du créateur.
Cette cosmogonie et cette théologie étaient étroitement liées à la structure même des sociétés africaines. Si les religions africaines avaient un aspect spirituel, un aspect de foi, elles étaient en même temps, sinon d’abord, des religions au sens étymologique, c’est-à-dire des mécanismes servant à relier : liens verticaux, des contemporains vivants avec les ancêtres, liens horizontaux des vivants, individuels ou collectifs avec leurs contemporains.

CONCLUSION
En somme, au stade actuel des résultats de recherches disponibles sur les origines et les migrations des populations pahouines, il nous est possible d’avoir une vue d’ensemble claire sur la constitution générale de ces dernières. Ces populations sont-elles d’origine unique ou diverse ? le problème reste entier. Mais si elles sont de souches différentes, comment expliquer les similitudes linguistiques ? Une chose nous semble évidente cependant, ces populations, issues de souches pas toujours identiques, se sont complétées, autant en linguistique qu’en culture matérielle. Elles ont agi et réagi les unes sur les autres. Elles sont donc des « hybrides » ou des mélanges.
Quant à leur organisation sociale, celle-ci présente également des ressemblances qui peuvent faire penser à une souche unique. En effet, les faits nous présentent, une civilisation et une culture communes telles que nous avons essayé de le montrer tout au long de cette étude. Cette vie traditionnelle, dénommée « inconnue noire », ne fut malheureusement pas bien comprise par les Européens au moment où ils se lancèrent dans la conquête des peuples africains, pour les acheter, les vendre et les coloniser.




BIBLIOGRAPHIE SUCCINTE

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